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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

Cuddy, ils ne seraient pas en ce moment les armes à la main avec les rebelles. Il me semble qu’il n’a pas tout à fait tort.

À peine Jenny avait-elle prononcé ces mots, qu’elle fut effrayée en voyant l’effet qu’ils produisaient sur sa maîtresse. Ses couleurs l’abandonnèrent et elle tomba sans connaissance sur un fauteuil.

— Dieu me pardonne ! dit-elle ; qu’ai-je fait ? Je voudrais qu’on m’eût coupé la langue ! Mais qui aurait cru qu’elle eût pris la chose ainsi ! et tout cela pour un jeune homme ! — Miss Edith, ma chère maîtresse, reprenez courage ! après tout, cela peut bien n’être pas vrai !

Pendant que Jenny se lamentait ainsi sur sa maîtresse et sur elle-même, Edith reprenait peu à peu connaissance. — S’il avait été malheureux, dit-elle, je ne l’aurais jamais abandonné ; s’il était mort, je l’aurais pleuré toute ma vie ; s’il avait été infidèle, je lui aurais pardonné ; mais un rebelle à son roi, un traître à son pays, un homme associé à des scélérats et à des meurtriers ! Je l’arracherai de mon cœur, dût cet effort me conduire au tombeau.

Elle essuya ses yeux et se leva. Jenny offrit à sa maîtresse le soutien de son bras.

— Non, Jenny ; vous avez été témoin de ma faiblesse, vous allez être témoin de mon courage. Le sentiment du devoir me soutiendra. Je veux connaître les motifs de sa conduite ; après quoi je saurai l’oublier.

En parlant ainsi, miss Bellenden se retira dans son appartement.

— C’est singulier, dit Jenny quand elle se trouva seule, miss Edith prend son parti aussi aisément que moi, plus aisément même, car je n’ai jamais été attachée à Cuddy Headrigg comme elle l’était au jeune Milnwood. Mais, après tout, il n’y a peut-être pas de mal d’avoir des amis des deux côtés. Si les rebelles s’emparent du château, comme cela est fort possible, M. Morton et Cuddy étant avec eux, leur protection vaudra de l’or.