Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

écartée dans le premier moment où il s’était agi de rédiger un manifeste ; mais on l’avait remise sur le tapis en l’absence de Burley, qui, à son grand désappointement trouva qu’elle accaparait toute l’éloquence de Macbriar, de Kettledrummle et des autres prédicateurs du désert. La polémique était engagée entre eux et Pierre Poundtext, le pasteur toléré de la paroisse de Milnwood, qui avait ceint l’épée, mais qui, avant d’être appelé à combattre en pleine campagne pour la bonne cause, défendait vaillamment ses dogmes particuliers devant le conseil. Poundtext et Kettledrummle étaient directement aux prises.

Il s’agissait en ce moment de rédiger un manifeste pour expliquer les motifs de l’insurrection. Macbriar, Kettledrummle et plusieurs autres voulaient y insérer un anathème contre ceux qui avaient eu la faiblesse de faire des concessions au gouvernement. Poundtext et ses adhérents soutenaient avec opiniâtreté la légitimité de leurs opinions ; c’était le bruit qu’ils faisaient et les clameurs de leurs adhérents qui avaient frappé les oreilles de Morton.

Scandalisé de cette scène, Burley employa son ascendant pour obtenir du silence. Il remontra fortement à ses collègues les inconvénients qui résulteraient de leur désunion dans un moment où il s’agissait de rallier tous les efforts contre l’ennemi commun, et il obtint enfin que toute discussion cesserait sur le point contesté. Mais Kettledrummle et Poundtext, ainsi réduits au silence, se jetaient l’un à l’autre des regards de colère.

Burley profita de ce moment de silence pour présenter au conseil M. Henry Morton de Milnwood, dont il parla comme d’un homme profondément touché des malheurs du temps, et prêt à sacrifier ses biens et sa vie pour une cause à laquelle son père, le colonel Silas Morton, avait rendu des services signalés. Henry fui accueilli avec distinction par son ancien pasteur Pierre Poundtext, et par tous ceux qui professaient quelques principes de modération ; les autres murmurèrent les mots d’érastianisme, et quelques-uns rappelèrent tout bas que Silas Morton avait fini par reconnaître l’autorité du tyran Charles Stuart, ouvrant ainsi la porte à l’oppression sous laquelle gémissait l’église presbytérienne d’Écosse. Cependant, comme l’intérêt général exigeait qu’on ne refusât les services d’aucun de ceux qui voulaient mettre la main à l’œuvre, Morton fut rangé parmi les chefs.

Alors Burley engagea les chefs à diviser en compagnies tous les hommes qui composaient l’armée, et dont le nombre croissait à chaque instant. Dans cette répartition, les insurgés de la paroisse et de la congrégation de Poundtext se rangèrent naturellement sous le commandement de Henry Morton, qui était né au milieu d’eux.