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LE NAIN NOIR

les railleries qu’on se proposait de décocher contre Hobbie à cause de sa mauvaise chasse. Trois jeunes et jolies filles semblaient se rejeter l’une à l’autre le soin de montrer le chemin à Earnscliff, parce que chacune d’elles aurait voulu s’esquiver pour aller faire un peu de toilette et ne pas paraître devant lui dans le déshabillé du soir.

Cependant Hobbie se permit quelques plaisanteries générales sur ses deux sœurs (Grâce n’était plus là) ; et prenant la chandelle des mains d’une de ces coquettes villageoises, il introduisit son hôte dans le parloir de la famille.

Après avoir fait un bon accueil à Earnscliff, et donné tout bas quelques ordres pour faire une addition au souper ordinaire de la famille, la vieille grand’mère et les sœurs d’Hobbie commencèrent leur attaque, qui n’avait été que différée.

— Jenny n’avait pas besoin d’apprêter un si grand feu pour cuire ce qu’Hobbie a rapporté, dit une des sœurs.

— Non, sans doute, repartit une autre : la poussière de la tourbe, bien soufflée, aurait suffi pour rôtir tout le gibier de notre Hobbie.

— Ma foi ! si j’étais que de lui, j’aurais rapporté un corbeau plutôt que de revenir sans la corne d’un daim.

Hobbie les regardait alternativement et il chercha à les adoucir en annonçant le présent qu’Earnscliff avait promis.

— Dans ma jeunesse, dit la vieille mère, un homme aurait été honteux de sortir une heure avec son fusil sans rapporter au moins un daim de chaque côté de son cheval.

— C’est pour cela qu’il n’en reste plus, répliqua Hobbie.

— Il y a pourtant des gens qui savent encore trouver du gibier, remarqua la sœur aînée en jetant un coup d’œil sur Earnscliff.

— Eh bien ! Il a du bonheur aujourd’hui, une autre fois ce sera mon tour. N’est-il pas bien agréable, après avoir couru les montagnes toute la journée, d’avoir à tenir tête à une demi-douzaine de femmes qui n’ont rien eu à faire que de remuer par-ci par-là leur aiguille ou leur fuseau, surtout quand, en revenant à la maison, on a été effrayé par des esprits ?

— Effrayé par des esprits ! s’écrièrent toutes les femmes à la fois.

— Effrayé ! non ; c’est surpris que je voulais dire.

Et Hobbie se mit à raconter en détail ce qui leur était arrivé en disant, pour conclure, qu’il ne pouvait conjecturer ce que ce pouvait être, à moins que ce ne fût ou l’ennemi des hommes en personne, ou un des vieux Peghts[1] qui habitaient le pays au temps jadis.

  1. Probablement les Pictes, que le peuple en Écosse croit avoir été des êtres surnaturels