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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

En quittant ses cavaliers, il les salua militairement, puis se retournant vers le major : — Adieu, dit-il en lui serrant la main ; mon amitié vous est acquise pour la vie.

La troupe se mit en marche.

Le major, aussitôt après leur départ, envoya une vedette pour reconnaître les mouvements de l’ennemi ; tout ce qu’il put en apprendre fut qu’il paraissait disposé à passer la nuit sur le champ de bataille. Les chefs avaient envoyé dans tous les villages voisins pour se procurer des provisions : il en résulta que dans le même endroit on recevait, au nom du roi, l’ordre d’en porter à Tillietudlem, et au nom de l’église, celui d’en faire passer aux tentes des saints défenseurs de la vraie religion. Chaque demande de cette nature était accompagnée de menaces, car ceux qui les faisaient n’ignoraient pas que c’était l’unique moyen de déterminer les paysans à se séparer de ce qui leur appartenait. Ces pauvres gens étaient donc fort embarrassés de savoir s’ils devaient se tourner à droite ou à gauche, et, il y en eut qui se tournèrent des deux côtés.

— Ces maudits temps rendraient fou l’homme le plus sage, dit Niel Blane, l’hôte que nous connaissons déjà. Il faut pourtant prendre son parti, Jenny, quelles provisions avons-nous à la maison ?

— Quatre sacs d’avoine, mon père, deux d’orge et deux de pois.

— Eh bien, mon enfant, dites à Bauldy de porter l’orge et les pois au camp de Drumclog. Qu’il dise bien que c’est notre dernière once de provisions ; ou s’il se fait scrupule de dire un mensonge, qu’il attende que Duncan Glen soit de retour de Tillietudlem, où je vais l’envoyer porter de l’orge avec mes respectueux compliments à Milady et au major.

— Mais mon père, que restera-t-il pour nous ?

— Vous oubliez que nous avons encore un sac de farine de froment. Il faudra bien nous résoudre à le manger.

Tandis que le prudent Niel cherchait ainsi à se faire des amis dans les deux partis, tous ceux qu’animait soit l’esprit public soit l’esprit de secte prenaient les armes. Les royalistes n’étaient pas nombreux dans ce canton, mais c’étaient pour la plupart des propriétaires recommandables par leur aisance et leur origine, et qui avec leurs frères, leurs cousins, leurs alliés et leurs domestiques, formaient une espèce de milice capable de défendre leurs petits châteaux fortifiés, de repousser toute demande de subside, d’intercepter les convois destinés au camp presbytérien. La nouvelle que le château de Tillietudlem se disposait à se défendre donna du