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CHAPITRE XIX

Il marche avec insouciance,
Rien ne semble troubler son cœur ;
Il lui reste peu d’espérance,
Il a gardé son air vainqueur.

Hardyknute.

Le colonel Grahame de Claverhouse se présenta devant la famille de lady Marguerite, rassemblée dans la grande salle du château, avec la même sérénité et la même courtoisie qu’il montrait quelques heures auparavant. Il avait eu assez de sang-froid pour réparer en partie le désordre de son habillement. Il avait fait disparaître de ses mains les traces qu’y avait empreintes le sang des ennemis, et l’on aurait cru qu’il venait de faire une promenade du matin.

— Je suis affligée, colonel, lui dit la vieille dame les yeux en pleurs.

— Et moi, ma chère lady Margaret, je suis affligé de penser qu’après notre mésaventure vous n’êtes pas trop en sûreté dans votre château ; votre loyauté bien connue, l’hospitalité que vous avez accordée ce matin aux troupes de Sa Majesté, peuvent avoir des suites dangereuses pour vous. Je viens donc vous proposer, si la protection d’un pauvre fuyard ne vous paraît pas à mépriser, de vous escorter, ainsi que miss Edith, jusqu’à Glascow, d’où je vous ferai conduire à Édimbourg ou au château de Dumbarton.

— Je vous suis bien obligée, colonel Grahame ; mais mon frère a entrepris de défendre le château contre les rebelles, et jamais Marguerite Bellenden ne fuira de ses foyers, tant qu’il s’y trouvera un brave militaire qui se charge de l’y défendre.

— Le major Bellenden a formé ce dessein ? s’écria Claverhouse en tournant sur lui les yeux où brillait la joie. Et pourquoi en douterais-je ? cette action est digne du reste de sa vie. Mais, major, avez-vous les moyens de résister à une attaque ?

— Rien ne me manque, que des hommes et des provisions.

— Je puis vous laisser douze à vingt hommes qui tiendraient sur la brèche, le diable montât-il lui-même à l’assaut. Vous rendriez un grand service à l’État en arrêtant ici l’ennemi, ne fût-ce qu’une semaine, et vous recevrez bien certainement des secours avant l’expiration de ce délai.