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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

leur fit donner l’ordre de franchir le marécage et de commencer une attaque générale, en les exhortant à achever l’œuvre glorieuse du Seigneur.

Claverhouse avait fait placer des tirailleurs derrière les buissons. Ces tirailleurs fatiguaient l’ennemi par un feu soutenu et bien dirigé, et il attendait le résultat de la manœuvre qu’opérait Bothwell, pour se porter contre les insurgés. En ce moment un dragon, couvert de sang et de sueur se présenta devant lui.

— Qu’y a-t-il de nouveau, Holliday ? lui demanda le colonel, où est Bothwell ?

— Mort, répondit Holliday.

— Le roi a perdu un brave soldat, dit Claverhouse avec son sang-froid ordinaire. — L’ennemi a sans doute franchi les marais ?

— Avec un fort parti de cavalerie.

— Major Allan, il faut faire retraite ! la nécessité nous y contraint. — Lord Evandale, rappelez les tirailleurs. Formez trois escadrons. — Allan commandera le premier, vous le second, et moi, avec l’arrière-garde, je tiendrai ces coquins en échec.

— Mais que deviendront Bothwell et son détachement ? demanda lord Evandale.

— On en a disposé. (Se penchant à l’oreille du jeune capitaine :) Bothwell est maintenant au service d’un autre maître.

Au moment même où Allan et Evandale remplissaient leur mission, un nombre considérable d’insurgés franchirent le fossé et attaquèrent les dragons encore en désordre. Claverhouse, qui avait gardé près de sa personne quelques-uns de ses soldats, chargea l’ennemi, et le reste eut le temps de commencer la retraite. Plusieurs des rebelles furent tués, d’autres repoussés, mais cette avant-garde reçut du renfort, et le colonel fut forcé de suivre ses troupes en déroute.

Jamais homme ne soutint mieux sa réputation de bravoure : Claverhouse conduisait lui-même les charges. Il servait de but à toutes les balles, impassible et invulnérable. Les superstitieux fanatiques, qui le regardaient comme doué par le malin esprit de moyens surnaturels de défense, disaient qu’on voyait les balles rejaillir sur ses bottes et sur son pourpoint. Quelques-uns brisaient même des pièces d’argent pour en charger leurs fusils, espérant que peut-être ce métal atteindrait le persécuteur de leur sainte église. — Éprouvez-le à l’arme blanche ! s’écriait-on. — La poudre n’a aucun pouvoir sur lui. — Mais en vain : tel était l’effroi que Claverhouse inspirait aux insurgés, qu’ils ouvraient leurs rangs à son approche, qu’aucun d’eux n’osait se mesurer avec lui.