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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Mon valet de chambre, Cuddy ! hélas ! ce serait une pauvre place, quand même nous serions en liberté.

— Vous craignez que je ne vous fasse pas honneur, parce que je ne suis qu’un paysan ; mais il faut que vous sachiez qu’après tout je ne suis pas si dur de cervelle. Il n’est rien de ce qu’on peut faire avec la main que je n’aie appris très aisément, excepté lire, écrire et chiffrer. Mais je jouerais du sabre aussi bien que le caporal Inglis. Je lui ai déjà cassé la tête une fois, tout fier qu’il est sur son cheval, là derrière. — Mais vous ne resterez peut-être pas dans ce pays ? ajouta-t-il en changeant de sujet.

— C’est fort probable.

— Peu importe. Je conduirai ma mère dans Gallowgate de Glascow, chez ma vieille tante Meg, et là elle ne courra le risque ni de mourir de faim, ni d’être brûlée comme sorcière, ou pendue en qualité de vieille whig, car le prévôt de Glascow a pitié de ces pauvres créatures : puis, vous et moi, nous irons chercher et faire fortune. Enfin, nous reviendrons dans la bonne Écosse ; je me remettrai à la charrue, et je tracerai de si beaux sillons sur ces terres de Milnwood, que le seul plaisir de les voir égalerait celui de boire une pinte de bon vin.

— J’ai peur, mon cher Cuddy, qu’il n’y ait peu de chances de nous voir revenir à nos anciennes occupations.

— Bah ! bah ! Monsieur, il est toujours bon de se tenir le cœur gai. Tout vaisseau démâté ne fait pas naufrage. — Mais qu’est-ce que j’entends ? — Ah ! mon Dieu ! voilà encore ma mère qui prêche. — Bien ! voilà Kettledrummle qui s’en mêle aussi. Si les soldats sont de mauvaise humeur, ils les tueront.

En effet, leur conversation fut interrompue par les éclats de voix du prédicateur et de Mause. Ils s’étaient d’abord contentés de se plaindre réciproquement, ensuite ils s’étaient livrés à leur indignation ; enfin, leur colère ne put plus se contenir.

— Malheur ! trois fois malheur à vous, persécuteurs violents et sanguinaires ! s’écriait le révérend Kettledrummle.

— Confusion à leurs fronts hideux ! disait Mause d’une voix de fausset.

— Je vous dis, continua le prédicateur, que vos marches à pied et à cheval, vos cruautés sanglantes, inhumaines, sont montées au ciel comme une horrible voix de parjure pour hâter la vengeance.

— Et je vous dis, criait Mause que tant que ce vieux souffle qui sort de mon sein…, et il est cruellement épuisé par cette course avec les asthmatiques[1] et ce trot forcé…

  1. C’est schismatique qu’elle veut dire.