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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Je suis fâché de vous voir ici, Cuddy, répondit Morton en qui le chagrin qu’il éprouvait n’éteignait pas sa sensibilité.

— Je le suis aussi, monsieur Henry, et pour vous et pour moi. Quant à moi, continua le bon Cuddy, je n’ai pas mérité d’être ici, je n’ai de ma vie dit un seul mot contre roi ou prêtre ; mais ma mère ne peut retenir sa vieille langue ; et j’en porte la peine avec elle.

— Votre mère est donc aussi prisonnière ?

— Elle est derrière nous, comme une mariée, à côté de ce vieux ministre, Gabriel Kettledrummle. Plût au diable qu’il eût été ce matin dans la caisse d’un tambour ! Il faut que vous sachiez que lorsque le vieux Milnwood, votre oncle, et sa ménagère, nous eurent chassés du manoir : — Eh bien, dis-je à ma mère, qu’allons-nous devenir ? Grâce à vous, toutes les maisons du pays nous seront fermées, à présent que vous nous avez fait chasser de chez notre ancienne maîtresse, et que vous êtes cause que le jeune Milnwood vient d’être arrêté. Ma mère me répondit : — Ne vous désespérez pas, mon fils, mais ceignez vos reins pour la grande tâche de ce jour, et donnez en homme votre témoignage sur la montagne du Covenant.

— Vous avez été à un conventicule, à ce que je présume.

— Je ne savais trop que faire. Je me laissai donc conduire chez une vieille folle comme elle, qui n’avait à nous donner que du bouillon clair et des galettes. D’abord il fallut rendre maintes actions de grâces, chanter des psaumes qui me semblèrent bien longs. Elles m’éveillèrent à la pointe du jour, et j’allai faire le whig avec elles, bon gré mal gré, à une grande assemblée des leurs ; et là ce Gabriel Kettledrummle leur cornait aux oreilles d’élever leur témoignage et de courir à la bataille. Monsieur Henry, le vieux prêcheur leur débitait sa doctrine avec une telle force de poumons, que vous l’auriez entendu d’un mille sous le vent, tant il y a qu’à la fin de ce prêche on dit tout à coup qu’il arrivait des dragons. Les uns s’enfuirent, les autres crièrent : Restez ! Je cherchais à entraîner ma mère avant que les Habits-Rouges arrivassent, mais j’aurais aussi aisément fait marcher un bœuf de ma charrue sans le secours de l’aiguillon. Le brouillard était épais, j’avais quelque espoir que les dragons ne nous verraient pas si nous savions retenir nos langues ; mais comme si le vieux Kettledrummle n’avait pas déjà fait assez de bruit, ils se mirent tous à crier un psaume. — Bref, lord Evandale arriva avec une vingtaine d’Habits-Rouges. Deux ou trois mutins voulurent résister, la Bible d’une main et le pistolet de l’autre, mais on leur eut bientôt lavé la tête. Cependant il n’y a pas eu beaucoup de mal, car lord Evandale criait :