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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Qu’il vive donc ! je ne puis vous refuser ce que vous me demandez ; mais souvenez-vous, Milord, que si vous voulez parvenir à un grade éminent au service du roi et de votre patrie, votre premier soin doit être d’oublier vos affections, pour ne songer qu’à vos devoirs et à l’intérêt public. Nous ne vivons pas dans un temps où l’on puisse sacrifier au radotage des vieillards ou aux larmes des femmes les mesures de sévérité que nous forcent d’adopter les dangers qui nous entourent. Souvenez-vous aussi que si je cède à vos prières, cette condescendance doit m’épargner de semblables sollicitations à l’avenir.

Ils se rapprochèrent de la table, et le colonel fixa les yeux sur Morton, pour observer l’effet qu’avait produit sur lui la sentence de mort qui faisait frissonner tous les spectateurs. — Voyez-le, dit-il à voix basse à Evandale ; il doit se croire aux portes du trépas, il n’a ni pâli ni frémi ; si jamais cet homme se trouve à la tête d’un parti de rebelles, vous aurez à vous repentir de m’avoir forcé à l’indulgence. — Jeune homme, dit-il ensuite à Morton, grâce à l’intercession de vos amis, votre vie est sauve quant à présent… Bothwell, emmenez le prisonnier, et qu’on veille sur lui avec attention.

L’idée de devoir son salut à son rival fut insupportable pour Morton : — Si je dois la vie à lord Evandale, s’écria-t-il…

— Bothwell, interrompit le colonel, emmenez le prisonnier.

Le brigadier fit sortir Morton. Dès qu’ils furent dans la cour : — Quand vous auriez plus d’une vie à perdre, lui dit-il, ce serait une imprudence de les hasarder comme vous le faites. Mais j’aurai soin de vous éloigner des yeux du colonel. Allons, venez joindre nos autres prisonniers.

Malgré la rudesse de ses manières, Bothwell éprouvait véritablement de l’intérêt pour Henry. Il le conduisit devant le château, où une vieille femme et deux hommes que lord Evandale avait faits prisonniers étaient gardés par un piquet de dragons.

Pendant ce temps, Claverhouse faisait ses adieux à lady Marguerite, qui ne pouvait lui pardonner le peu d’égard qu’il avait eu à ses prières. — Jusqu’à présent, lui dit-elle, j’avais pensé que le château de Tillietudlem, où Sa Majesté a daigné s’arrêter, pouvait être considéré comme une place de refuge ; mais je vois que le vieux fruit n’a plus de saveur : les services de ma famille datent de trop loin.

— Un devoir que je regarde comme sacré a pu seul me faire hésiter à me rendre à vos désirs et à ceux du major, mais à présent, ma chère lady Bellenden, permettez-moi d’espérer que tout est pardonné. Ce soir je vous ramènerai deux cents rebelles prisonniers ;