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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Songez que vous ne seriez pas le plus fort, dit Bothwell ; mais j’aimerais mieux que vous vous soumissiez tranquillement.

Il craignait que la résistance de Henry ne causât quelque bruit, et que son colonel ne vînt à apprendre que, contre ses ordres, il avait gardé un prisonnier sans le mettre aux fers.

— De la prudence ! continua-t-il, ne gâtez pas votre affaire. On dit dans le château que la nièce de lady Marguerite va épouser notre jeune capitaine lord Evandale, et je viens de l’entendre lui demander d’intercéder pour vous auprès du colonel. — Mais que diable avez-vous donc ? vous voilà plus blanc qu’un linge !

Morton n’opposa aucune résistance, pendant qu’on lui mettait les fers, il s’écria : — Miss Bellenden demander ma vie à lord Evandale !

— Il n’y a pas de meilleure protection que celle des femmes.

— Ma vie demandée à lui, et par elle ! Oui, chargez-moi de fers : le coup qui a pénétré jusqu’au fond de mon âme est bien plus cruel.

Bothwell conduisit son prisonnier dans la salle où l’attendait Claverhouse. Les mots que Henry entendit prononcer par Edith le confirmèrent dans la pensée qu’elle aimait Evandale, et qu’elle employait son influence sur lui pour le sauver. Dès ce moment, la vie qu’il devrait à l’intercession d’un rival lui devint odieuse ; et, se dévouant à la mort, il résolut de défendre avec force les droits de son pays, outragés en sa personne. Il s’approcha donc avec fermeté de la table près de laquelle était assis le colonel Grahame, après avoir jeté sur Edith un regard dans lequel se peignaient la douleur et le reproche.

— De quel droit, Monsieur, lui dit-il, ces soldats m’ont-ils enlevé à ma famille, chargé de fers, et conduit devant vous ?

— Par mon ordre, répondit Claverhouse. — Je vous donne maintenant celui de vous taire, et d’écouter mes questions.

— Je veux savoir si je suis légalement détenu, si je suis devant un magistrat civil, ou si les droits de mon pays sont méconnus et outragés en ma personne, répliqua Morton avec hardiesse.

— Sur mon honneur ! voilà un gaillard déterminé, dit le colonel.

— Êtes-vous fou ? s’écria le major. Pour l’amour de Dieu, Henry, songez que vous êtes devant un officier supérieur de Sa Majesté !

— C’est pour cette raison même, Monsieur, que je désire savoir de quel droit il me retient prisonnier sans mandat d’arrêt. Si j’étais devant un magistrat, je sais que la soumission serait mon devoir.

— Votre jeune ami, dit Claverhouse au major, est un de ces messieurs pointilleux qui ne voudraient pas nouer leur cravate sans un mandat du juge ; mais, avant que nous nous séparions, je lui apprendrai que mon aiguillette est une marque d’autorité qui