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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

tendaient toujours à lui faire concevoir l’idée que miss Bellenden, malgré ses rendez-vous finirait par devenir lady Evandale.

Ces insinuations se rapportaient si bien aux craintes que Morton avait conçues lui-même, qu’il n’était pas éloigné d’éprouver de la jalousie. Edith elle-même, par suite de sa franchise naturelle, avait contribué, quelques jours auparavant, à développer davantage ce sentiment dans le cœur de Henry. Leur conversation était tombée sur des excès qu’avait tout récemment commis un détachement qu’on disait, quoique à tort, commandé par lord Evandale. Edith, aussi fidèle en amitié qu’en amour, avait été un peu choquée de quelques remarques que Morton s’était permises ; elle prit la défense du capitaine avec une vivacité qui blessa cruellement son amant. Edith lut dans les yeux de Henry les soupçons qu’il concevait ; elle tâcha de les détruire : mais l’impression n’était pas facile à effacer ; et ce motif n’avait pas eu peu d’influence dans la détermination qu’avait prise le jeune Milnwood de chercher du service à l’étranger.

La visite qu’il avait reçue d’Edith dans sa prison, le vif intérêt qu’elle lui avait témoigné, auraient dû le rassurer mais, ingénieux à se tourmenter, il crut devoir ne l’attribuer qu’à l’amitié, ou peut-être à une préférence passagère qui chez miss Bellenden céderait bientôt aux sollicitations de ses amis, à l’autorité de lady Marguerite et aux assiduités de lord Evandale. — Pourquoi, se disait-il, ne puis-je pas me montrer en homme, et prétendre hautement à sa main avant qu’un autre m’efface entièrement de son cœur ? Je dois en accuser une maudite tyrannie qui pèse en même temps sur nos corps, nos âmes, nos fortunes ! Et c’est à l’un des coupe-gorge pensionnés de ce gouvernement oppresseur que je céderais miss Bellenden !… Non ! jamais… Ah ! c’est un juste châtiment de mon indifférence, que de me voir à mon tour opprimé dans ce qui est le plus capable de me révolter.

Telles étaient les idées qui déchiraient le cœur de Henry lorsque Bothwell entra dans sa chambre suivi de deux dragons dont l’un portait les fers.

— Vous allez me suivre, jeune homme, lui dit le brigadier ; mais d’abord il faut faire votre toilette.

— Ma toilette ! que voulez-vous dire ?

— Qu’il faut mettre ces bracelets. Je ne voudrais pas faire paraître un prisonnier devant mon colonel sans qu’il eût les fers aux mains. Ainsi donc, jeune homme, prenez votre parti.

Il s’avança vers lui ; mais Morton, saisissant une chaise, menaça de fendre le crâne à quiconque voudrait le soumettre à cette indignité.