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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

n’a point passé devant mon château sans y prendre quelques rafraîchissements.

C’était la troisième fois depuis son arrivée, que Claverhouse entendait mentionner ce mémorable événement. Se hâtant d’interrompre à temps le récit : — Oh ! dit-il en souriant et en jetant les yeux sur Édith, je sais que je mettrais lord Evandale en pénitence si je le tenais en vue de ce château sans lui permettre d’y entrer.

— Bothwell, faites dire à lord Evandale que lady Marguerite le prie de venir déjeuner, et que je l’attends.

Le cœur d’Édith battait vivement. Elle espéra que l’influence qu’elle savait avoir sur lord Evandale lui fournirait le moyen de sauver Morton, si l’intercession de son oncle auprès de Claverhouse se trouvait infructueuse. En toute autre circonstance, elle n’aurait pas voulu s’adresser à lui pour en obtenir une grâce, parce que, malgré son inexpérience, sa délicatesse naturelle lui faisait sentir qu’une jeune femme qui contracte une obligation envers un jeune homme lui donne sur elle un avantage dont il est souvent porté à abuser. Mais une raison qui l’en aurait détournée bien plus encore, c’était qu’elle n’ignorait pas que toutes les commères des environs parlaient de son mariage avec lui comme d’une chose décidée. Depuis un an, lord Evandale lui rendait des soins très assidus ; elle ne pouvait se dissimuler qu’elle lui avait plu ; elle savait que s’il faisait une déclaration formelle de ses sentiments, ses prétentions seraient fortement appuyées par lady Marguerite et par tous ses amis. Elle n’avait donc d’autre motif à alléguer pour lui refuser sa main que la préférence secrète qu’elle accordait à un autre, et elle savait que l’aveu en serait aussi inutile que dangereux. Ainsi, elle résolut d’attendre le résultat de l’intercession de son oncle.

Son incertitude dura peu. Le major avait fait les honneurs de la table, riant et causant avec les militaires ; quand le repas fut terminé, il put quitter son siège, et s’approchant de sa nièce, il la pria de le présenter à Claverhouse d’une manière particulière. Celui-ci connaissait le caractère et la réputation du major, et il l’accueillit avec les plus grands égards. Ils ne tardèrent pas à se retirer à l’écart, et miss Bellenden, dont le cœur battait avec une nouvelle violence, ne les perdit pas de vue un seul instant.

Elle vit d’abord en Claverhouse cet air ouvert et poli qui semble disposé à accorder une faveur, mais accompagné de la réserve d’un homme qui ne veut s’engager à rien avant de bien savoir ce qu’on a à lui demander. À mesure que la conversation avançait, le front du colonel se rembrunissait, un air d’impatience se peignait dans ses traits, et Édith crut y lire la condamnation de Henry. Le langage du major paraissait calme quoique pressant, et il sem-