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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

curiosité l’arrivée d’un régiment de dragons, mais pâle, abattue, et offrant dans tous ses traits la preuve que le sommeil n’avait pas visité ses paupières. Le bon major fut inquiet de cet air défait dont lady Bellenden, dans l’embarras de ses préparatifs, ne s’était pas aperçue.

— Qu’avez-vous donc, petite fille ? dit-il ; vous ressemblez tout à fait à la femme d’un officier qui va ouvrir une lettre le lendemain d’une bataille. Mais je vois ce que c’est. Pourquoi persistez-vous à lire nuit et jour ces romans ?

Lady Marguerite aimait les romans, elle en prit la défense.

— Pour moi, depuis vingt ans, je n’ai lu que la Bible, le Devoir de l’homme, et plus récemment la Pallas armata ou Traité sur l’exercice de la lance. Mais j’entends les timbales.

Les regards se tournèrent du côté de la route. La tour de Tillietudlem dominait toute la vallée. Ce château est situé sur une côte élevée à pente très rapide, à l’extrémité d’un angle formé par la jonction d’un ruisseau considérable avec la Clyde. Sur le ruisseau, près de son embouchure, était un pont très étroit, d’une seule arche, sur lequel passait la route pour tourner ensuite à la base de la hauteur. La forteresse, qui commandait ainsi et le pont et la route, avait été en temps de guerre un poste important dont il était nécessaire d’être maître pour assurer les communications entre la région supérieure, presque inculte, du canton, et la partie inférieure, plus susceptible de culture, où se déroule la vallée. La vue y domine une campagne boisée, mais le terrain plus uni, qui avoisine la rivière, forme des champs cultivés que partagent irrégulièrement de petits taillis et des haies. La rivière descend par des détours hardis à travers cette contrée pittoresque, tantôt visible, tantôt disparaissant sous le feuillage des arbres. Plus favorisés que dans d’autres cantons de l’Écosse, les paysans ont planté généralement des vergers autour de leur cottage, et les fleurs des pommiers, à cette époque de l’année, donnent à une grande partie du paysage l’aspect d’un riche parterre.

Dans la circonstance actuelle, tous les regards étaient fixés sur les cavaliers attendus à Tillietudlem. Leurs files brillantes ne tardèrent pas à se montrer. Le spectacle était imposant, car on peut évaluer à deux cent cinquante le nombre des dragons qui s’avançaient, bannières déployées, au bruit des trompettes et des timbales. Bientôt on put distinctement compter un à un et admirer chaque soldat, supérieurement monté et équipé.

— C’est un spectacle qui me rajeunit de trente ans, dit le vieux major ; et cependant je n’aime pas le service que ces pauvres dia-