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LE NAIN NOIR

— Jusqu’au Carla-Cleugh, Hobbie, répondit Earnscliff en lui rendant son salut amical. — Croyez-vous que nos chiens vivront en paix ?

— Ah ! ne craignez rien des miens ; ils sont si fatigués qu’ils ne peuvent mettre une patte devant l’autre. Diable ! les daims ont déserté le pays, je crois. Je suis allé jusqu’à Inger-Fellfoot ; de toute la journée, je n’ai aperçu d’autre gibier que trois vieilles perdrix rouges.

— Hé bien ! Hobbie, j’ai abattu ce matin un chevreuil que mon domestique a porté à Earnscliff. Je vous en enverrai la moitié pour votre grand’mère.

— Grand merci, monsieur Patrick ; vous êtes connu dans tout le pays pour votre bon cœur. Ah ! je suis sûr que la bonne femme l’acceptera avec plaisir, surtout quand elle saura que c’est vous qui l’avez tué. — J’espère que vous viendrez en prendre votre part, car je crois que vous êtes seul à la tour d’Earnscliff. Tous vos gens sont à cet ennuyeux Édimbourg. Que diable font-ils dans ces longs rangs de maisons de pierres avec un toit d’ardoises, ceux qui pourraient vivre dans le bon air de leurs vertes montagnes ?

— Ma mère a été retenue pendant plusieurs années à Édimbourg pour mon éducation et celle de ma sœur ; mais je me propose bien de réparer le temps perdu.

— Et vous sortirez un peu de la vieille tour pour vivre en bon voisin avec les vieux amis de la famille. Savez-vous bien que ma grand’mère prétend qu’il a une parenté entre vous et nous.

— Cela est vrai, Hobbie ; et j’irai demain dîner à Heugh-Foot.

— Voilà qui est bien dit. S’il n’est pas sûr qu’il existe une parenté entre nous, au moins nous sommes d’anciens voisins. Ma mère a tant d’envie de vous voir ! elle jase si souvent de votre père, qui a été tué il y a longtemps.

— Paix. Hobbie ! ne parlez pas de ce malheur.

— Je n’en sais trop rien ! Si cela était arrivé à mon père, je m’en souviendrais jusqu’à ce que je m’en fusse vengé, et mes enfants s’en souviendraient après moi. Mais, vous autres seigneurs, vous savez ce que vous avez à faire. J’ai entendu dire que c’était un ami d’Ellieslaw qui avait frappé votre père.

— Laissons cela, Hobbie.

— Quoi qu’il en soit, le vieux Ellieslaw était fauteur et complice. Je suis sûr que si vous vouliez en tirer vengeance, personne ne vous blâmerait, car le sang de votre père rougit encore ses mains…

— N’êtes-vous pas honteux, Hobbie, d’exciter votre ami à la vengeance, à contrevenir aux lois civiles et religieuses, et cela dans un endroit où nous ne savons pas qui peut nous écouter ?