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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

en pure perte vingt livres sterling, le laird se jeta dans son grand fauteuil, et ne fit que répéter pendant toute la soirée ; — Ruiné de tous côtés, corps et biens ! corps et biens ! — Quant à mistress Wilson, elle soulagea son chagrin par le torrent d’invectives qu’elle fit tomber sur Mause et sur Cuddy en les mettant à la porte :

— Malheur à ta vieille peau, femme : grâce à vous, voilà le plus beau jeune homme de la contrée qu’on emmène en prison !

— Ah ! riposta la vieille puritaine, on voit bien que vous êtes encore dans les liens du péché, puisque vous vous plaignez de voir celui qui vous est cher souffrir pour la cause de celui qui vous a tout donné. J’ai fait pour M. Henry ce que je ferais pour mon propre fils ; et si Cuddy était digne de rendre témoignage à Grassmarket…

— Cela viendra, selon toute apparence, interrompit Alison, à moins que vous ne changiez, lui et vous.

— Non ! les Doegs et les Zyphites m’offriraient en vain le pardon pour me séduire, point de lâches complaisances ! je persévérerais à porter témoignage contre le papisme, l’épiscopat, l’antinomianisme, l’érastianisme, le relapsarianisme et tous les pièges du siècle ; je crierais comme une femme en mal d’enfant contre la fatale tolérance, qui a été une pierre d’achoppement pour les docteurs eux-mêmes ; j’élèverais la voix comme un prédicateur éloquent.

— Allons, allons, ma mère, dit Cuddy en l’entraînant, n’ennuyez pas plus longtemps la bonne dame avec votre témoignage : vous avez prêché pour six jours. Vous nous avez d’abord prêchés vous et moi hors de notre première demeure et de notre jardin, puis de cette nouvelle ville de refuge où nous mettions à peine le pied ; vous avez prêché M. Henry en prison ; vous avez prêché vingt livres hors de la poche du laird, qui ne les a pas lâchées de trop bon cœur. Attendez encore quelque temps avant de me prêcher à une potence.

Ce disant, il entraîna Mause, et tous deux se mirent en marche sans savoir où ils trouveraient un nouvel asile.

— La vieille folle ! s’écria la gouvernante en les voyant partir ; venir porter le désordre et le malheur dans une maison si paisible !