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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Oui, encore, cria Mause : — vous êtes des Philistins, des Édomites, des léopards et des renards, — des loups nocturnes qui rongent l’os jusqu’à la moelle, — des chiens perfides faisant la guerre aux élus, — des taureaux furieux de Bazan, — des serpents venimeux. — Apocalypse, chapitre xii, versets 3 et 4.

Ici la vieille s’arrêta, épuisée par le manque d’haleine.

— Au diable la vieille sorcière ! il faut lui mettre un bâillon, et l’emmener au quartier général, dit un des dragons.

— Honte à vous, André ! reprit le brigadier ; souvenez-vous que la bonne dame appartient au beau sexe, et ne fait qu’user des privilèges de sa langue. — Écoutez-moi, brave femme, songez bien que tous les taureaux de Bazan et tous les dragons rouges ne seraient pas aussi polis que moi, et ne se contenteraient pas de vous confier à la garde du constable ou de vous faire faire un plongeon dans un baquet. — Mais il faut que j’emmène ce jeune homme (montrant Henry) au quartier général. Mon commandant ne me pardonnerait pas de le laisser dans une maison où se trouve tant de fanatisme et de trahison.

— Là ! voyez ce que vous avez fait ! dit tout bas Cuddy à sa mère : grâce à votre bavardage, voilà les Philistins qui vont emmener M. Henry.

— Taisez-vous, lâche que vous êtes ! si vous et tous ces autres gloutons qui sont là, vous aviez dans les bras autant de courage que j’en ai dans la langue, on n’emmènerait jamais en captivité ce jeune homme !

Pendant ce dialogue, les soldats s’étaient emparés de leur prisonnier et lui liaient les mains. Milnwood rentra en ce moment, et, effrayé de ces préparatifs, il offrit, avec un gémissement mal étouffé, une bourse à Bothwell. Le brigadier la reçut d’un air d’indifférence. — Il y a dans ce nid d’anges jaunes de quoi passer maintes joyeuses nuits, dit-il ; mais du diable si je me compromets pour cela ! Cette vieille femme a parlé trop haut, et devant trop de témoins : je ne puis me dispenser d’emmener votre neveu au quartier général ; ainsi, en conscience, je ne dois garder de votre argent que ce qui m’est dû à titre de civilité.

Bothwell ouvrit la bourse, distribua une pièce d’or à chacun de ses hommes, en mit trois dans sa poche. — Maintenant, ajouta-t-il, je vous donne ma parole d’honneur que votre neveu, le capitaine Perroquet, sera civilement traité pendant la route. Ce doit être une satisfaction pour vous. Quant au reste de l’argent, je vous le rends. (Milnwood tendit promptement la main.) — Seulement, poursuivit le soldat, je dois vous rappeler que chaque maître de maison est responsable de la loyauté de ceux qui l’habitent, et mes camarades