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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

sourd à force de parler, tâchez aujourd’hui d’être muette ; quoique vous soyez ma mère, je ne me soucie pas que les sermons d’une vieille femme me fassent mettre autour du cou un collier qui le serrerait un peu trop.

— Je ne demande pas mieux, mon fils, dit Mause, mais songez bien que ceux qui renient la parole de Dieu, la parole les reniera…

Elle fut interrompue par l’apparition de quatre soldats du régiment des gardes, commandés par Bothwell, qui entraient en faisant un bruit terrible avec les éperons de leurs larges bottes et leurs longs sabres traînants. Milnwood et sa femme de charge tremblèrent, car ils connaissaient parfaitement le système de pillage et d’exaction qu’on suivait dans ces visites domiciliaires ; Henry Morton n’était pas beaucoup plus tranquille, parce qu’il sentait intérieurement qu’il était en contravention aux lois pour avoir donné retraite à Balfour de Burley ; Mause Headrigg était dans un étrange embarras, hésitant entre la crainte de compromettre les jours de son fils et son zèle enthousiaste, qui lui reprochait de consentir même tacitement à renier sa religion ; les autres domestiques tremblaient aussi sans trop savoir pourquoi. Cuddy seul, avec cet air d’indifférence et de stupidité que personne au monde n’affecte avec plus d’aisance que le paysan écossais, continuait à avaler d’amples cuillerées de bouillon ; d’autant mieux qu’en ce moment de trouble il avait accaparé le large vase qui le contenait, afin de s’en servir une triple portion.

— Messieurs, dit Milnwood, que désirez-vous de moi ?

— Nous venons au nom du roi, répondit Bothwell ; pourquoi diable nous a-t-on fait attendre si longtemps à la porte ?

— Nous sommes en train de dîner, et notre usage est de fermer la porte pendant ce temps-là. Certainement, Messieurs, si j’avais su que des serviteurs de notre bon roi se présentaient chez moi, je me serais empressé… Mais, peut-on vous offrir un verre d’ale…, ou d’eau-de-vie… de vin des Canaries… de Bordeaux ?

— Du bordeaux pour moi, dit un des soldats.

— J’aime mieux l’ale, dit un autre.

— Eau-de-vie, ale, vins, canaries, bordeaux, nous goûterons de tout, et ensuite nous choisirons ce qui sera le meilleur ; et quand le plus endiablé des whigs l’aurait dit, je soutiendrais que c’est parler sagement, conclut Bothwell.

Milnwood tira en soupirant deux grosses clefs de sa poche ; et l’on voyait à la contraction de ses muscles, tout le regret qu’il éprouvait en les donnant à la femme de charge.

— La gouvernante, poursuivit le brigadier en s’asseyant à table, n’est ni assez jeune ni assez jolie pour qu’on pense à la suivre à la