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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

poudre et en plomb ; vous auriez un honnête métier, et vous gagneriez votre pain sans être à charge à personne.

— Je suis très ambitieux d’avoir un honnête métier, mais je ne sais pas conduire la charrue.

— Et pourquoi ne le sauriez-vous pas ? C’est un métier plus facile que votre tir au fusil. Le vieux Davie laboure maintenant, et vous pourriez aiguillonner les bœufs pendant deux ou trois jours, en prenant bien garde de ne pas trop les pousser ; après cela vous seriez en état de mener vous-même la charrue.

— Je venais précisément vous faire part d’un projet que j’ai formé, et qui vous délivrera de la charge que je vous occasionne.

— Un projet que vous avez formé ! Quel est ce beau projet ?

— J’ai dessein de quitter ce pays, et de prendre du service dans un royaume étranger, comme mon père l’a fait avant les troubles qui continuent de désoler l’Écosse. Son nom n’est peut-être pas encore oublié dans le pays où il a servi, et ce nom procurera à son fils l’avantage d’être connu, ne fût-ce qu’en qualité de soldat.

— Que le ciel nous protège ! s’écria la femme de charge : M. Henry s’en aller ! cela n’est pas possible.

Milnwood n’avait pas la moindre envie de laisser partir son neveu, qui lui était utile en bien des occasions, et il fut comme frappé de la foudre en entendant un jeune homme qu’il avait toujours trouvé soumis à ses moindres volontés, aspirer tout à coup à un état d’indépendance. — Et qui vous donnera les moyens d’exécuter ce projet extravagant, Monsieur ? lui demanda-t-il. Ce ne sera pas moi, certainement. Vous comptez faire comme votre père, vous marier, vous faire tuer, pour me laisser sur les bras une nichée d’enfants qui feront du tapage dans ma maison pendant mes vieux jours, puis s’envoleront, comme vous, quand ils se sentiront des ailes.

— Je n’ai aucune idée de mariage.

— Là, écoutez-le ! dit la femme de charge. C’est une pitié d’entendre les jeunes gens parler ainsi. Ne sait-on pas bien qu’il faut qu’ils se marient, ou qu’ils fassent pis encore ?

— Paix, Alison, s’écria son maître. Quant à vous, Henry, ôtez-vous cette folie de la tête. C’est la soldatesque que vous avez vue hier qui l’y a fourrée. Il faut de l’argent pour cela, et vous n’en avez point.

— Mes besoins sont très bornés, et si vous vouliez me remettre la chaîne d’or que le margrave donna à mon père après la bataille de Lutzen…

— La chaîne d’or ! s’écria le vieillard.

— La chaîne d’or ! répéta mistress Wilson ; miséricorde !