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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

— Un morceau et de l’ale ? monsieur Henry ! — Vous vous adressez bien, mon enfant. Pensez-vous que nous n’avons pas entendu parler de vos exploits à la fête du Perroquet ? Vous avez brûlé plus de poudre qu’il n’en faudrait pour tuer tout le gibier que nous mangerons d’ici à la Chandeleur ! Et puis, vous vous êtes rendu à la taverne du joueur de cornemuse avec tous les fainéants du pays ; là vous vous êtes attablé jusqu’au coucher du soleil, aux dépens de votre pauvre oncle sans doute ! Enfin, vous revenez au logis pour demander de l’aie, ni plus ni moins que si vous étiez le maître.

Très piqué, mais plus désireux encore de se procurer ce qu’il demandait, à cause de son hôte, Morton assura la vieille ménagère, qu’il avait réellement faim et soif. — Et quant au tir du Perroquet, ajouta-t-il, je vous ai ouï dire que vous y alliez autrefois.

— Ah ! monsieur Henry, je crois que vous commencez à vouloir séduire l’oreille des femmes par vos cajoleries. — Mais, tant que vous ne vous adresserez qu’aux vieilles comme moi, il n’y aura pas grand mal. Je me souviens, quand j’étais une fillette égrillarde, que je vis remporter le prix au duc — à celui qui perdit sa tête à Londres, — on la disait un peu éventée, mais il n’en fut pas moins à plaindre, le pauvre homme ! — Il abattit donc le perroquet. — Mais puisque vous avez si peu mangé et si peu bu, je vais vous prouver que je ne vous ai pas oublié, car je ne crois pas qu’il soit sain pour les jeunes gens d’aller se coucher l’estomac vide.

Pour rendre justice à mistress Wilson, ses harangues nocturnes en pareilles occasions se terminaient ordinairement par ce sage apophthegme, qui annonçait quelques provisions mises en réserve. C’était au fond une excellente femme, qui aimait plus que personne au monde son vieux et son jeune maître. Elle regarda M. Henry d’un air de complaisance, en lui remettant les mets qu’elle avait gardés pour lui.

Morton lui dit de ne pas s’alarmer si elle l’entendait descendre, parce qu’il aurait besoin de retourner à l’écurie pour son cheval. Il allait rejoindre son hôte, quand, en se retournant, il aperçut encore la tête de mistress Wilson à la porte entr’ouverte ; elle lui recommanda de faire son examen de conscience avant de se coucher, et de prier le ciel de le protéger pendant les ténèbres.

Telles étaient jadis les habitudes d’une certaine classe de domestiques en Écosse, habitudes que sans doute on retrouve encore dans quelques vieux châteaux des provinces éloignées. Ces gens-là faisaient en quelque sorte partie inhérente des familles auxquelles ils appartenaient ; et comme ils ne concevaient pas la possibilité d’être congédiés, ils avaient un attachement sincère pour toute la maison.