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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

ne croyaient pas devoir se mettre en opposition ouverte avec les lois existantes. L’étranger répondit donc à cette profession de foi.

— Subterfuge équivoque ! vous écoutez chaque dimanche un discours froid et mondain, dicté par une basse complaisance à un homme qui oublie la noble mission qu’il a reçue d’en haut. Voilà ce que vous appelez entendre la parole de Dieu ! Mais de tous les pièges que le démon a tendus aux âmes, cette perfide indulgence a été le plus destructeur.

— Mon oncle pense que sous ces ecclésiastiques autorisés, nous jouissons d’une raisonnable liberté de conscience, et je dois me laisser guider par lui sur le choix du lieu de nos prières.

— Votre oncle sacrifierait tout le troupeau de la chrétienté pour un agneau de son étable de Milnwood. Votre père était d’une autre trempe.

— Mon père était un brave et digne homme ; il a combattu pour la famille royale, au nom de laquelle je portais les armes ce matin.

— Je le sais. Mais s’il avait vécu pour voir le temps où nous vivons, il aurait maudit l’heure où il a tiré l’épée pour cette cause. Nous en parlerons une autre fois, car, je le répète, jeune homme, ton heure sonnera, et les paroles que tu viens d’entendre se fixeront dans ton cœur. — Voici ma route.

Le voyageur montrait un sentier qui conduisait vers des montagnes désertes et arides ; mais au moment où il se disposait à entrer dans un passage rocailleux, une vieille femme enveloppée d’un manteau rouge, qui était assise sur le bord du chemin, se leva, s’approcha de lui, et lui dit d’un air mystérieux : — Si vous faites partie de notre troupeau, prenez un autre chemin ; il y va de vos jours. Un lion se tient dans ce défilé. Le desservant de Brotherstane et dix soldats occupent le passage pour immoler tous les malheureux qui voudraient aller joindre par là Hamilton et Dingwall.

— Nos frères persécutés sont-ils réunis ? demanda l’étranger.

— Ils forment une troupe de soixante à soixante-dix cavaliers et fantassins. Mais, hélas ! ils sont mal armés et dépourvus de vivres.

— Dieu secourra les siens ! Par où pourrai-je les joindre ?

— C’est impossible ce soir : les soldats font une garde sévère. On dit que d’étranges nouvelles arrivées de l’est redoublent leur rage cruelle. Il faut vous cacher quelque part pour cette nuit ; demain, au retour du jour, il vous sera facile de prendre un chemin détourné par Drake-Moss. Dès que j’ai entendu les terribles menaces des oppresseurs, j’ai mis mon manteau et je suis venue m’asseoir sur la route pour avertir les débris dispersés de notre troupeau.