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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

caractère par le compte que nous allons rendre des instructions qu’il donna à sa fille Jenny en rentrant chez lui, pendant que la troupe des chevaliers du perroquet se plaçait autour d’une grande table au milieu de la principale salle du cabaret. Jenny comptait à peine dix-huit ans ; il n’y avait que six mois que sa mère avait été portée au cimetière, et elle commençait à remplacer la défunte dans les soins dont celle-ci s’était si bien acquittée.

— Jenny, lui dit Niel Blane tandis qu’elle l’aidait à se débarrasser de sa cornemuse, voici le premier jour où vous allez remplacer votre rigide mère dans le service de la maison ; c’était une brave femme, civile avec tout le monde ; vous remplirez difficilement sa place, surtout un jour comme celui-ci. — Jenny, quoique puisse demander Milnwood, ayez soin de le lui donner ; car il est capitaine du perroquet, et il ne voudra pas déroger aux vieux usages. Peut-être ne paiera-t-il pas l’écot lui-même, car son oncle tient les cordons de la bourse un peu serrés ; mais ne vous inquiétez pas, je saurai bien tirer de l’argent du vieil avare, en lui faisant honte de cette dette. — Voilà le desservant de la paroisse qui joue aux dés avec le cornette Grahame ; soyez empressée et polie envers tous deux. Dans le temps où nous vivons, les capitaines et les ministres sont à craindre quand ils en veulent à quelqu’un. Les dragons vont crier pour de la bière ; ils en auront ! — ce sont des tapageurs, mais ils paient : j’ai acheté la vache sans cornes, qui est la meilleure de notre étable, au noir Franck Inglis et au sergent Bothwell pour dix livres d’Écosse, et ils en burent le prix dans une séance.

— Mais, mon père, interrompit Jenny, on dit que ces deux maraudeurs ont enlevé cette vache à la pauvre ménagère de Bell’s Moor, uniquement parce qu’elle avait été un dimanche après midi entendre un prédicateur dans les champs.

— Chut ! petite sotte ; avons-nous besoin de savoir d’où vient le bétail qu’ils nous vendent ? — Jenny, faites attention à cet homme sournois et de mauvaise humeur : voyez-le assis seul à une table et tournant le dos à tout le monde. Il m’a tout l’air d’un de ces gens qui vont à l’église dans les champs ; je l’ai vu tressaillir quand il a aperçu les Habits-Rouges, et je crois qu’il aurait volontiers passé outre si son cheval n’avait été fatigué. Servez-le avec douceur, et ne le faites pas jaser, de peur d’attirer sur lui l’attention des soldats ; mais ne lui donnez pas de chambre particulière, parce que si c’est un des gens qu’on cherche, on pourrait dire que nous voulons le cacher. — Ne vous mettez pas en peine de ce que les jeunes gens pourront vous dire : dans notre état, il faut savoir tout entendre. Cependant, ne souffrez pas qu’on joue des mains, et s’il se