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LES PURITAINS D’ÉCOSSE

l’ouest de l’Écosse pour aller livrer bataille à Cromwell dans la plaine fatale de Worcester, il s’arrêta au château de Tillietudlem, et consentit à accepter un déjeuner. Cet événement faisait époque dans la vie de lady Marguerite Bellenden, et il était bien rare qu’elle passât un seul jour sans trouver occasion de citer quelque circonstance de la visite dont le roi l’avait honorée, sans oublier que Sa Majesté avait daigné l’embrasser sur les deux joues, mais omettant d’ajouter qu’il avait accordé la même faveur à deux servantes fraîches et réjouies, métamorphosées en dames d’honneur pour la circonstance. Une telle marque de faveur aurait bien suffi sans doute pour que lady Marguerite embrassât à jamais la cause des Stuarts ; mais sa naissance, son éducation, sa haine pour le parti opposé, l’avaient déjà irrévocablement attachée à leur fortune. Ils semblaient triompher en ce moment, mais elle leur avait été fidèle aux jours les plus critiques, et elle était prête à braver les mêmes revers, si le sort les trahissait de nouveau. Ce jour-là, elle contemplait avec un bien vif plaisir le déploiement d’une force prête à soutenir les intérêts de la couronne, et dévorait en secret la mortification qu’elle éprouvait de se voir abandonnée d’une partie de ses propres vassaux.

Respectée de toutes les anciennes familles du comté, elle vit chacun des chefs de maison qui assistaient à la revue s’empresser de lui rendre leurs hommages, et il n’y eut pas un jeune homme de distinction qui, ferme sur les étriers et le corps d’aplomb sur la selle, ne vînt caracoler devant miss Édith Bellenden, pour déployer l’adresse avec laquelle il guidait sa monture ; mais tous ces jeunes cavaliers n’obtenaient d’Édith rien au-delà de ce qu’exigeaient les lois de la courtoisie. Elle écoutait avec une égale indifférence les compliments qu’on lui adressait. Toutefois le destin avait décidé que miss Bellenden ne montrerait pas la même indifférence pendant tout le cours de la journée.