Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
103
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

cement du côté opposé, se tenait un écuyer de Sa Grâce. Un cocher et trois postillons coiffés de grandes perruques à trois queues, ayant de petites épées au côté, des espingoles en sautoir derrière leurs épaules, et des pistolets aux arçons de leurs selles, conduisaient cette maison roulante, derrière laquelle on voyait debout, en triple rang sur le marchepied, six laquais en livrée, armés jusqu’aux dents. Les autres personnages nobles du cortège, hommes et femmes, jeunes et vieux, étaient à cheval, chacun suivi de ses gens et de ses vassaux ; mais la compagnie était choisie plutôt que nombreuse, et le lecteur en connaît déjà la cause.

Immédiatement après l’énorme carrosse, arrivait le paisible palefroi de lady Marguerite Bellenden, dame qui réclamait son rang de préséance sur la noblesse non titrée du canton. Elle était en grand deuil, ne l’ayant pas quitté depuis le jour où son mari fut condamné et exécuté comme partisan de Montrose. Sa petite-fille, unique objet de ses affections sur la terre, Édith aux cheveux blonds, était universellement reconnue pour la jeune personne la plus jolie de tout le canton, et, auprès de son aïeule, figurait le printemps à côté de l’hiver. Sa haquenée noire d’Espagne, qu’elle guidait avec grâce, son charmant habit d’amazone et sa selle chamarrée, tout contribuait à la faire remarquer avec avantage. Les boucles nombreuses de ses cheveux, que son chapeau laissait flotter sur ses épaules, étaient retenues par un ruban vert. Ses traits avaient une douceur féminine, mais avec une expression de finesse et de gaieté qui la préservait de la fadeur si souvent reprochée aux blondes et aux yeux bleus.

Ces deux dames n’étaient suivies que de deux domestiques à cheval, quoique leur rang et leur naissance semblassent nécessiter un cortège plus nombreux ; mais la bonne vieille dame n’avait pu parvenir à compléter le contingent d’hommes que sa baronnie devait fournir : pour rien au monde elle n’aurait voulu rester au-dessous de ses obligations à cet égard, et elle avait métamorphosé tous ses domestiques en militaires. Son vieil intendant, qui, armé de pied en cap, conduisait la troupe, avait sué sang et eau, pour vaincre les scrupules et les prétextes des fermiers, qui voulaient éluder de fournir les hommes, les chevaux et les harnais exigés par la loi.

Telle est la cause qui força lady Bellenden à se montrer en public sans autre suite que deux laquais, ce dont elle aurait rougi en toute autre circonstance : mais il n’était pas de sacrifice personnel, même celui de son amour-propre, qu’elle ne fût prête à faire à la cause de la royauté. Elle avait perdu son mari et deux fils de grande espérance dans les guerres civiles de ces temps malheureux ; mais aussi elle reçut une récompense flatteuse : lorsque Charles II traversait