Page:Scott - Nain noir. Les puritains d'Ecosse, trad. Defauconpret, Garnier, 1933.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
LES PURITAINS D’ÉCOSSE

l’escarmouche, ou fusillés comme rebelles pris les armes à la main. Le villageois continue à rendre aux tombeaux de ces victimes un honneur qu’il n’accorde guère à de plus riches mausolées.

Je suis fort éloigné de respecter les principes de ceux qui se disent les héritiers de ces hommes qui n’avaient pas moins d’intolérance et de bigoterie que de vraie pitié ; pourtant, je ne voudrais point outrager la mémoire de ces infortunés.

On a souvent remarqué que la fermeté du caractère écossais se montre avec avantage dans l’adversité, semblable alors au sycomore de nos montagnes qui dédaigne de plier ses jeunes rameaux sous le vent contraire, mais qui, les déployant dans toutes les directions avec une égale vigueur, ne cède jamais à l’orage, et se laisse briser plutôt que de fléchir : je parle ici de mes concitoyens tels que je les ai observés ; on m’a dit que dans les pays étrangers ils sont plus dociles.

Un soir d’été, dans une de mes promenades habituelles, je m’approchais de cet asile des morts, lorsque je fus un peu surpris d’entendre un bruit différent des sons qui en charment ordinairement la solitude, c’est-à-dire le murmure du ruisseau et les soupirs de la brise. Cette fois, je distinguai le bruit d’un marteau.

En avançant, je fus agréablement surpris : un vieillard, assis sur le monument des anciens presbytériens, était activement occupé à raviver, à l’aide du ciseau, les caractères de l’inscription. Une toque bleue couvrait les cheveux gris du pieux ouvrier. Son costume était un habit antique du gros drap appelé hoddingrey, que portent les vieillards à la campagne, avec la veste et les culottes de même. L’ensemble de son costume, quoique décent encore, attestait un long service. De gros souliers ferrés et des gramoches ou guêtres en drap noir complétaient son équipement. À quelques pas de lui paissait, parmi les tombeaux, un poney, son compagnon de voyage. Quoique je n’eusse jamais vu ce vieillard, son occupation et son singulier équipage me firent aisément reconnaître en lui un presbytérien errant dont j’avais souvent entendu parler, et connu dans diverses contrées d’Écosse sous le nom de Old Mortality. Où était né cet homme ? quel était son véritable nom ? C’est ce que je n’ai pu savoir ; et je ne connais qu’imparfaitement les motifs qui lui avaient fait abandonner sa maison pour adopter cette vie nomade.

Suivant l’opinion commune, il était natif du comté de Dumfries ou de Galloway, et descendait en ligne directe de quelqu’un de ces défenseurs du Covenant dont les exploits et les malheurs étaient son entretien de prédilection. On dit aussi qu’il avait naguère tenu une petite ferme ; mais il quitta sa maison, sa famille, ses amis, et