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La poursuite

semblant à une fente pour lancer des flèches, qu’il avait pratiquée près de la porte de sa demeure, et par laquelle il pouvait voir tous ceux qui s’en approchaient, sans qu’ils puissent eux-mêmes voir dans l’intérieur.

— Tant mieux ! » dit Hobbie d’un air d’impatience. « Que signifie ce tant mieux, Elshie ? n’entendez-vous pas que je vous dis que je suis l’être le plus malheureux qui existe ?

— Et n’entendez-vous pas que je vous dis que c’est tant mieux ? répondit le Nain. Ne vous ai-je pas averti ce matin, lorsque vous vous croyiez si heureux, que la soirée qui se préparait pour vous ?

— Vous me l’avez dit en effet, répliqua Hobbie, et c’est ce qui fait que je viens maintenant vous demander conseil. Celui qui a prévu le mal doit en connaître le remède.

— Je ne connais point de remède aux maux de ce monde, dit le Nain, et si j’en connaissais, pourquoi soulagerais-je les autres, tandis que personne ne m’a soulagé ? n’ai-je pas perdu une fortune avec laquelle j’aurais acheté cent fois toutes ces montagnes stériles ? un rang auprès duquel le tien est comme celui du paysan ? une société où se trouvait réuni tout ce qu’il y avait d’aimable, tout ce qu’il y avait d’intellectuel ? N’ai-je pas perdu tout cela ? Ne demeurai-je pas ici, comme le plus vil rebut de la nature, dans la plus hideuse et la plus solitaire de ses retraites, moi-même plus hideux que tout ce qui m’environne ? Et pourquoi d’autres vermisseaux viendraient-ils se plaindre à moi d’avoir été foulés aux pieds, quand je me trouve moi-même écrasé sous la roue du char ?

— Vous pouvez avoir perdu tout cela », répondit Hobbie dans l’amertume de son émotion. « Terres, amis, propriétés et richesses, vous pouvez avoir perdu tout cela ; mais votre cœur n’a jamais été aussi affligé que le mien, car vous n’avez jamais perdu de Grâce Armstrong ; et maintenant mes dernières espérances se sont évanouies, je ne la verrai plus ! »