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Le Nain Noir

des liaisons étroites avec le monde invisible, et qu’il eût choisi cet endroit écarté pour entretenir ses relations sans être dérangé. Ils soutenaient aussi, quoique dans un sens différent de celui que le philosophe donnait à cette phrase, qu’il n’était jamais moins seul que quand il était seul, et que, des hauteurs qui dominent au loin sur le Moor, des voyageurs découvraient souvent une personne qui était à l’ouvrage avec cet habitant du désert, et qui disparaissait toujours dès qu’on s’approchait de plus près de la cabane. On voyait de temps en temps cette personne assise à côté de lui à la porte, se promenant avec lui dans la plaine, ou l’aidant à aller chercher de l’eau à la fontaine. Earnscliff expliquait ce phénomène en pensant que c’était l’ombre du Nain.

« Du diable s’il a une ombre ! » répliqua Hobbie, zélé défenseur de l’opinion générale ; « il est trop avant dans l’intimité du vieux Satan pour avoir une ombre. D’ailleurs, argumentait-il plus logiquement, qui a jamais vu une ombre entre le corps et le soleil ? Et cette chose, que ce soit ce qu’on voudra, est plus mince et plus grande que le corps lui-même ; on l’a vue plus d’une fois et plus de deux aussi, s’interposer entre le soleil et lui. »

Ces soupçons, qui, dans d’autres parties du pays, auraient pu donner lieu à des recherches un peu désagréables pour le prétendu sorcier, ne servirent ici qu’à remplir les esprits d’un mélange de crainte et de respect. Le solitaire paraissait éprouver une sorte de plaisir en voyant les marques de timide vénération avec lesquelles le voyageur que le hasard conduisait sur cette route, s’approchait de sa demeure, le regard d’étonnement avec lequel il examinait sa personne et sa retraite, et la promptitude avec laquelle il s’éloignait de ce lieu d’épouvante. Les plus hardis ne s’arrêtaient que le temps nécessaire pour jeter à la hâte un coup d’œil sur les murs de la cabane et sur le jardin, et pour s’excuser par un