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Le Miroir de ma Tante Marguerite

rait jamais remarquée si elle ne s’était pas jetée à sa tête avec ses 10,000 livres sterling, et sans l’argent qu’il cherchait il aurait pu trouver mieux. Et puis, ayant épousé cet homme, pourquoi n’essaye-t-elle pas de rendre sa maison plus agréable en invitant plus souvent ses amis et en ne le tourmentant pas du bruit de ses enfants criards, et en ne l’entourant que de choses élégantes et de bon goût. Je le déclare, je crois que si on savait bien mener sir Philippe, il ferait un excellent mari. »

« Les critiques peu indulgents ne pensent pas qu’en élevant cet édifice de bonheur conjugal ils oublient que la principale pierre y manquait, et que pour recevoir honorablement bonne compagnie, il faut une fortune considérable, et que celle de sir Philippe était fort délabrée. Aussi, malgré les conseils qu’on lui donna et les sages réflexions qu’on lui fit, sir Philippe chercha le plaisir loin de chez lui, et abandonna sa femme triste et désolée.

« Enfin, gêné dans sa fortune, fatigué de l’ennui qu’il trouvait dans son intérieur, il se décida à parcourir le continent comme volontaire. Il était d’usage alors parmi les hommes de l’aristocratie de prendre ce parti ; mais il est possible que notre chevalier ait pensé qu’une légère teinte du caractère militaire ajouterait à ses avantages, sans pour cela le rendre fat ; sa qualité d’homme à la mode lui était nécessaire pour conserver sa position dans le monde.

Cette résolution de sir Philippe mit sa femme au désespoir. Il en fut tellement touché que, contre son habitude, il prit la peine de la tranquilliser. Cette fois, les larmes qu’elle versa ne furent pas sans quelque douceur. Lady Bothwell lui demanda comme une grâce la permission de prendre pendant son absence sa femme et ses enfants chez elle. Sir Philippe accepta avec plaisir cette proposition, qui d’abord lui était favorable comme économie, puis mettait fin aux propos des gens qui se permettaient