— Épargnez-moi, je vous prie ; vous vous rappelez la chanson celtique dont je prononce incorrectement les paroles[1], et dont voici le sens :
« Je vous assure, mon cher parent, que cette espèce de rêve tout éveillé[2], et que votre poëte favori, Wordsworth, appelle les Caprices de notre esprit[3], valent tout le charme de mes vieux jours. Maintenant, au lieu de m’élancer dans l’avenir, comme je faisais dans ma jeunesse, ou de faire des châteaux en Espagne lorsque j’arrive sur le bord de ma tombe, je porte ma pensée, je songe aux jours, aux habitudes de mon jeune âge ; de tristes et toutefois de consolants souvenirs me touchent, m’attendrissent ; ils me sont si chers que je regarderais comme un sacrilège d’avoir plus de raison et d’abandonner des préjugés qui me dirigeaient et que je révérais même dans ma jeunesse.
— Je crois maintenant vous comprendre, répliquai-je, et je vois pourquoi vous préférez quelquefois la lueur douteuse de l’illusion à la vive lumière de la raison.
— N’ayant plus rien à faire, reprit ma tante, on peut rester dans l’obscurité, si on s’y plaît. Si nous avions à nous occuper, alors la lumière deviendrait nécessaire.
— Et dans cette obscurité ! lui répondis-je, l’imagination crée des visions ravissantes, que souvent on a la faiblesse de prendre pour des réalités.
— C’est vrai », répliqua la tante Marguerite, qui