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en pleine activité, cette circonstance me fut souvent rappelée par ces amis qui sont enchantés qu’aucun de vos malheurs n’échappe à votre esprit : « Quel terrain pour des pâturages ! disait l’un ; et tout près de la ville ! disait l’autre : en y semant des navets et des pommes de terre, il rapporterait au moins 20 livres sterling[1] par arpent, et si on le louait pour des constructions, ce serait une véritable mine d’or ! Et tout cela vendu pour une vieille chanson par l’ancien propriétaire. » Ces êtres, en apparence compatissants, ne sauraient m’engager à la plainte sur un tel sujet, car ils me rappellent le passé sans pouvoir m’en distraire, et je cède volontiers les revenus actuels et projetés aux personnes qui ont acheté le terrain de mon père ; je regrette seulement le changement qu’on lui fait subir, parce qu’il détruit pour moi le charme attaché aux souvenirs de mon jeune âge, et je verrais avec plus de plaisir ces prairies en des mains étrangères conservant leur ancien aspect, que si je les possédais renversées par l’agriculture ou couvertes de maisons : j’éprouve dans cette circonstance les mêmes sensations que le pauvre Logan :

Le soc impitoyable a détruit le gazon
Où l’écolier venait oublier sa leçon ;
Et la hache a détruit l’aubépine sauvage
Qui l’attirait l’été sous son modeste ombrage.

J’espère cependant que la dévastation dont ces charmantes prairies sont menacées n’aura pas lieu de mon vivant, et malgré l’esprit de spéculation qui domine aujourd’hui, j’aime à me persuader que celui du changement qui n’a pas moins de puissance, viendra renverser leurs projets destructeurs, ou qu’au moins on laissera telle qu’elle est la partie du sentier

  1. Cinq cents francs. A. M.