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Le Nain Noir

— N’as-tu pas entendu dire dans ce bas monde que tu habites, que je suis ligué avec d’autres êtres aussi difformes et aussi mal disposés envers le genre humain que moi ? Ne l’as-tu pas entendu dire ? et tu viens me trouver dans ma cellule au milieu de la nuit ?

— L’Être que j’adore me soutient contre ces vaines terreurs », dit Isabelle, mais l’agitation croissante de son sein, démentait le courage qu’elle s’efforçait d’exprimer par ses paroles.

« Oh ! oh ! tu prétends parler le langage de la philosophie ? Et cependant n’aurais-tu pas dû songer au péril auquel tu allais t’exposer en te livrant, jeune et belle comme tu l’es, au pouvoir d’un être qui a conçu contre le genre humain une haine si forte, qu’il mettrait son plus grand plaisir à défigurer, détruire et dégrader les plus beaux ouvrages de la nature ? »

Isabelle, quoique extrêmement alarmée, continua néanmoins à répondre avec fermeté : « Quelques injures que vous puissiez avoir souffertes dans le monde, vous êtes incapable de vous en venger sur quelqu’un qui ne vous a jamais offensé, ni, même volontairement, sur qui que ce soit.

— Oui ; mais vous ne savez pas, jeune fille », poursuivit-il, ses yeux noirs étincelant d’une expression de malignité qui se communiquait à ses traits sauvages et difformes, que la vengeance est un loup affamé qui ne cherche qu’à dévorer la chair et à laper le sang. « Penses-tu qu’il voulût écouter l’agneau qui alléguerait son innocence ?

— Monsieur », dit Isabelle en se levant et parlant avec dignité : « Les idées horribles que vous voudriez faire naître dans mon esprit ne sauraient m’effrayer ; je les repousse loin de moi avec dédain. Qui que vous soyez, mortel ou démon, vous ne voudriez point faire injure à une personne qui est venue chez vous, en qualité de suppliante, dans son besoin le plus pres-