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Le Nain Noir

« Quel est l’être misérable », dit La voix effrayante du solitaire, « qui est réduit à venir chercher ici un refuge ? Va-t’en : lorsque l’oiseau de la bruyère a besoin d’un abri, il ne va pas le chercher dans Le nid du corbeau.

— Je viens à vous, mon père, dit Isabelle, dans l’heure de mon adversité, ainsi que vous me l’avez commandé vous-même. Vous m’avez promis que votre porte, et votre cœur me seraient ouverts dans ma détresse ; mais je crains…

— Ah ! dit le solitaire ; alors tu es Isabelle Vère ; donne-m’en la preuve.

— Je vous ai rapporté la rose que vous m’avez donnée, répondit Isabelle ; elle n’a pas eu le temps de se faner avant que le sort cruel que vous m’aviez prédit soit venu fondre sur moi.

— Puisque tu as ainsi conservé ce gage, dit le reclus, je ne veux pas qu’il t’ait été donné en vain ; le cœur et la porte qui sont fermés à toute autre personne au monde seront ouverts pour toi et tes chagrins. »

Elle l’entendit se mouvoir dans la hutte, et bientôt après battre le briquet pour avoir de la lumière. Ensuite les verroux et la barre furent tirés l’un après l’autre. Le cœur d’Isabelle palpitait toujours plus vivement à mesure que le moment de son entrevue avec le Nain approchait. La porte s’ouvrit et le Solitaire parut devant elle, tenant à la main une lampe de fer, dont la lumière faisait ressortir l’horrible difformité de son corps et de ses traits.

« Entre, fille de l’affliction, dit-il, entre dans la demeure du malheur. »

Elle entra, et remarqua avec un redoublement de frayeur la précaution avec laquelle, après avoir posé la lampe sur la table, le reclus commença par replacer les nombreux verroux qui fermaient la porte de sa cabane. Elle tressaillit en entendant le bruit qui accompagnait cette opération de mauvais augure ;