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Visite nocturne

ple, pour être doué d’une puissance surnaturelle, et qui a des liaisons avec les habitants d’un autre monde ; mais je veux que vous sachiez aussi que je ne crains pas de pareilles folies, et que, quand même il en serait ainsi, je n’oserais, avec les sentiments religieux qui m’animent, m’adresser à cet être dans l’état malheureux où je me trouve.

— J’aurais cru, répliqua Ratcliffe, que mon caractère et ma manière de penser vous étaient trop connus pour vous imaginer que j’ajoute foi à de telles absurdités.

— Mais de quelle autre manière, dit Isabelle, un être aussi misérable en apparence peut-il posséder Le pouvoir de me secourir ?

— Miss Vère », répondit Ratcliffe après un moment de silence, « un serment solennel m’empêche de parler ; il faut que, sans autre explication, vous vous contentiez de l’assurance que je vous donne qu’il a ce pouvoir si vous pouvez lui en inspirer la volonté, et c’est ce dont je n’ai pas le moindre doute.

— Monsieur Ratcliffe, vous pouvez vous tromper ; vous exigez de moi une confiance sans bornes.

— Souvenez-vous, miss Vère, que, lorsque, par un sentiment d’humanité, vous me priâtes d’intercéder auprès de votre père en faveur de Hastwell et de sa malheureuse famille ; lorsque vous m’engageâtes à tâcher d’obtenir de lui la chose qui répugnait le plus à son caractère, le pardon d’une offense et la remise du châtiment, je conviens avec vous qu’il ne me serait fait aucune question sur la cause de mon influence. Vous n’eûtes alors aucun motif de me refuser votre confiance ; pourquoi me la refuser aujourd’hui ?

— Mais son genre de vie extraordinaire, dit miss Vère, sa retraite, sa figure, cette sombre misanthropie, que l’on dit qu’il exprime dans son langage !… Monsieur Ratcliffe, que dois-je penser de lui, s’il possède réellement le pouvoir que vous lui attribuez ?