Page:Scott - Le nain noir, Le miroir de ma tante Marguerite, trad Montémont, 1916.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
Le Nain Noir

— Dites-moi seulement, répliqua Ratcliffe, s’il est vrai que ce mariage monstrueux doive se faire, et ce soir même ? J’ai entendu les domestiques en parler ouvertement pendant que je montais le grand escalier ; j’ai entendu donner l’ordre de débarrasser la chapelle.

— Épargnez-moi, monsieur Ratcliffe, répliqua la malheureuse fiancée ; et par l’état où vous me voyez, jugez de la cruauté de ces questions.

— Mariée ? à sir Frédéric Langley ? et ce soir ? s’écria Ratcliffe. Cela ne doit pas être… ne peut pas être… et ne sera point.

— Il faut cependant que cela soit, monsieur Ratcliffe, ou mon père est perdu.

— Ah ! j’entends, répliqua M. Ratcliffe ; et vous vous sacrifiez pour sauver celui qui… ; mais que la vertu de la fille serve de réparation pour les fautes du père ; ce n’est pas le moment de les montrer à découvert. Que peut-on faire ? Le temps presse… Je ne connais qu’un moyen… dans l’espace de vingt-quatre heures j’en trouverais plusieurs… Miss Vère, il faut que vous imploriez la protection du seul être humain qui ait le pouvoir d’empêcher le cours des événements qui menacent de vous précipiter dans le malheur.

Et quel est l’être humain qui a ce pouvoir ! demanda miss Vère.

— Ne vous effrayez pas lorsque, je vous le nommerai », répondit Ratcliffe en se rapprochant d’elle ; puis il ajouta à voix basse, mais distincte : « C’est celui qu’on appelle Elshender, le Reclus de Mucklestane-Moor.

— Vous êtes fou, monsieur Ratcliffe, dit Isabelle, ou vous voulez insulter à mon malheur par une plaisanterie déplacée.

— J’ai autant mon bon sens que vous, jeune dame, répliqua son conseiller, je ne plaisante point sur des choses indifférentes, encore moins sur le malheur,