Page:Scott - Le nain noir, Le miroir de ma tante Marguerite, trad Montémont, 1916.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ma belle cousine de renoncer à ses privilèges de demoiselle. Sir Frédéric consent néanmoins à quitter le château avec moi à l’instant où la cérémonie sera achevée ; puis nous réunirons nos partisans, et nous commencerons la danse. Ainsi, il y a grand espoir que sir Frédéric fiancé aura la tête cassée avant qu’il se retrouve avec sa fiancée. Ainsi Bell court une grande chance d’être lady Langley à très-bon marché. Au reste, tout ce que je puis dire, c’est que si elle peut seulement se déterminer à cette alliance, ce n’est pas le moment de se laisser arrêter par des scrupules de délicatesse ; il faut que ma jolie cousine consente à se marier à la hâte, ou bien nous nous en repentirons tous à loisir, ou plutôt nous n’aurons guère le loisir de nous en repentir. C’est tout ce que peut vous dire pour le moment votre affectionné parent.

R. M. »

« P. S. Dites à Isabelle que j’aimerais mieux, après tout, couper la gorge au chevalier, et terminer ainsi le différend, que de la voir contrainte à l’épouser malgré elle. »

Lorsque Isabelle eut lu cette lettre, elle la laissa tomber de sa main, et serait tombée elle-même, si elle n’eût été soutenue par son père.

— Grand Dieu, mon enfant se meurt ! » s’écria M. Vère, les sentiments de la nature l’emportant, même dans son cœur, sur ceux d’une politique égoïste : « regardez-moi, Isabelle, regardez-moi, mon enfant ; quoi qu’il puisse arriver, vous ne serez point sacrifiée. Je périrai moi-même, avec la certitude que vous êtes heureuse. Ma fille pourra pleurer sur ma tombe ; mais, du moins… mais, dans cette occasion… elle ne maudira point ma mémoire. » Il appela un domestique. « Allez dire à Ratcliffe de venir ici sur-le-champ. » »

Pendant cet intervalle, le visage de miss Vère se couvrit d’une pâleur mortelle ; elle serrait les mains,