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un mariage dans lequel tous les avantages étaient, pour ainsi dire, de votre côté. Dans un moment plus malheureux encore, je pris avec lui des mesures propres à rétablir notre monarque banni sur son trône et à rendre à ma patrie son indépendance. Il a profité de mon imprudente confiance, et maintenant ma vie est entre ses mains.

— Votre vie, monsieur ! » dit Isabelle d’une voix faible.

« Oui, Isabelle, la vie de votre père. Dès que je prévis les excès dans lesquels sa passion impétueuse pouvait le jeter (car je lui rends la justice de croire que sa conduite peu raisonnable vient de son grand attachement pour vous), je cherchai, sous le prétexte plausible de votre absence pendant quelques semaines, à m’affranchir de l’alternative dans laquelle je me trouve placé ; à cet effet, je me proposais, dans le cas où vous continueriez à avoir une répugnance insurmontable pour ce mariage, de vous envoyer secrètement passer quelques mois au couvent de votre tante maternelle, à Paris. Un concours d’erreurs vous a tirée du lieu sûr et secret que je vous avais destiné comme asile temporaire. Le sort m’a enlevé ma dernière chance de salut, et il ne me reste plus maintenant qu’à vous donner ma bénédiction et à vous faire sortir du château, avec M. Ratcliffe, qui se dispose à le quitter ; mon sort sera bientôt décidé.

— Juste ciel, monsieur ! est-il possible ? s’écria Isabelle. Oh ! pourquoi ai-je été délivrée de la retraite dans laquelle vous m’aviez placée ? ou pourquoi ne m’avez-vous pas fait connaître vos intentions ?

— Réfléchissez un instant, Isabelle, répondit M. Vère. Vouliez-vous que je cherchasse à nuire dans votre esprit à l’ami que je désirais le plus vivement servir, en vous faisant connaître l’ardeur opiniâtre avec laquelle il poursuivait ses projets ? Pouvais-je le faire avec honneur, après lui avoir promis de l’appuyer ? Mais tout est fini. Mareschal et moi nous