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Le Nain Noir

pour son compagnon, sans que les manières de celui-ci indiquassent cette supériorité et cette exigence pointilleuse que la haute bourgeoisie manifeste à l’égard de ses domestiques. Au contraire, les deux voyageurs entrèrent de front dans la cour, et la dernière phrase de la conversation qu’ils avaient tenue pendant longtemps, fut cette exclamation qu’ils firent ensemble : « Que Dieu nous conduise ! Si ce temps-ci dure, que deviendrons-nous ? » Ce que ces mots faisaient entendre suffirent à mon hôte, qui, s’avançant pour prendre le cheval du principal voyageur, et tenant la bride pendant qu’il descendait, tandis que le garçon d’écurie rendait le même service à son compagnon, dit à l’étranger qu’il était charmé de le voir à Gandercleugh, et presque sans reprendre haleine ajouta : « Quelles nouvelles des Highlands du Sud ?

— Quelles nouvelles ? dit le fermier, d’assez mauvaises ; car nous nous estimerons très heureux de pouvoir sauver les brebis ; quant aux agneaux, nous serons forcés de les abandonner aux soins du Nain Noir.

— Oui, oui, ajouta le vieux berger (car c’en était un), en secouant la tête, « il aura fort à faire ce printemps avec les morts ».

— Le Nain Noir ! dit mon savant ami et patron[1], M. Jedediah Cleishbotham ; et quelle espèce de personnage est ce Nain Noir ?

— Bah ! laissez donc, répondit le fermier ; vous devez avoir entendu parler de Carmy Elshie, le Nain

  1. Walter Scott, fidèle à son premier rôle d’auteur gardant l’incognito, fait ici observer que les épithètes de savant, et autres données à Jedediah Cleishbotham, paraissent avoir été interpolées dans le texte de M. Pattieson. C’est une manière d’excuser la redondance de ces mots qui « chatouillent du cœur l’orgueilleuse faiblesse. »