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L’enlèvement

— Oh ! il est facile de prouver que le local lui conviendrait », répliqua son père avec un ris moqueur. « Vous savez, miss Vère (car vous êtes, je le sais fort bien, une jeune femme savante), vous savez que les Romains ne se contentaient pas dans leur culte de personnifier chaque qualité utile, chaque vertu morale à laquelle ils pouvaient affecter un nom, mais qu’en outre ils adoraient la même vertu sous différents titres et attributs qui pouvaient lui donner une nuance distincte ou un caractère particulier. Eh bien ! par exemple, l’amitié a laquelle je voudrais dédier ici un temple n’est pas l’amitié des hommes, qui abhorre et dédaigne la duplicité, l’artifice et le déguisement mais l’amitié des femmes, qui ne consiste guère que dans une disposition mutuelle de la part des amies, comme elles s’appellent, à se soutenir les unes les autres dans leurs ruses cachées et dans leurs petites intrigues.

— Vous êtes sévère, monsieur.

— Je ne suis que juste, un humble copiste d’après nature, qui a l’avantage de contempler deux études excellentes, telles que Lucy Ilderson et vous.

— Si j’ai eu le malheur de vous offenser, monsieur, je peux en conscience justifier miss Ilderson. Elle n’a été ni ma conseillère ni ma confidente.

— Vraiment ? et d’où vous venait donc cette pétulance de langage, cette impertinence de raisonnement qui a tant déplu à sir Frédéric, et qui m’a tant offensé depuis quelque temps ?

— Si le ton que j’ai pris vous a déplu, monsieur, je ne saurais en éprouver un regret trop vif ni trop sincère ; mais il n’en serait pas de même pour avoir répondu avec vivacité à sir Frédéric, lorsqu’il me parlait d’une manière si grossière ; puisqu’il oubliait que j’étais une dame, je devais lui faire voir que j’étais au moins une femme.

— Réservez donc vos impertinentes réponses pour ceux qui vous presseront sur cet objet », dit froide-