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Le Nain Noir

point qu’il n’eût fait choix d’un lieu aussi éloigné et aussi solitaire pour reprendre la discussion qui avait si fréquemment eu lieu relativement à la demande en mariage de sir Frédéric, et qu’il ne méditât sur les moyens les plus propres à lui faire sentir la nécessité de l’admettre comme un prétendant. Mais pendant quelque temps ses craintes parurent être sans fondement. Les seules phrases que son père lui adressait de temps à autre avaient rapport aux beautés du paysage romantique qu’ils parcouraient, et dont les scènes variaient à chaque pas. À ces observations, quoiqu’elles parussent venir d’un cœur rempli de soins plus sombres et plus importants, Isabelle tâchait de répondre d’une manière libre et sans contrainte, autant qu’il lui était possible au milieu des craintes involontaires qui se présentaient en foule à son imagination.

Tout en soutenant avec une difficulté mutuelle une conversation qui n’avait pas de suite régulière, ils parvinrent enfin au centre d’un petit bois composé de gros chênes entremêlés de bouleaux, de frênes, de coudriers, de houx et d’une grande variété de bois taillis. Les branches des grands arbres s’entrelaçaient dans le haut, et leurs troncs garnissaient le terrain du taillis. L’endroit où se trouvaient Ellieslaw et sa fille était plus ouvert, et cependant couronné par une arcade naturelle de grands arbres et assombrie, à une certaine profondeur sur les côtés, par une quantité d’arbrisseaux et de buissons.

« C’est ici, Isabelle », dit M. Vère, en continuant la conversation si souvent reprise et si souvent suspendue, « c’est ici que je voudrais élever un autel à l’amitié.

— À l’amitié, monsieur[1] ! dit miss Vère, et pourquoi dans ce lieu sombre et écarté plutôt qu’ailleurs ?

  1. En Angleterre on dit plus souvent monsieur que mon père. A. M.