Page:Scott - Le nain noir, Le miroir de ma tante Marguerite, trad Montémont, 1916.djvu/10

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
Le Nain Noir

pente douce d’une verte colline, le murmure d’une source limpide, ou le labyrinthe compliqué d’un bosquet sauvage, étaient des scènes qu’il contemplait, disait-il, avec un plaisir inexprimable pendant des heures entières. C’est peut-être pour cette raison qu’il aimait à lire les poésies pastorales de Shenstone et quelques passages du Paradis perdu. L’auteur l’a entendu répéter d’une voix discordante la fameuse description du Paradis terrestre, et il paraissait en sentir toute la beauté. Ses autres études étaient d’un genre différent et avaient principalement rapport à la polémique religieuse. Il n’allait jamais à l’église de sa paroisse, ce qui faisait qu’on le soupçonnait d’avoir des opinions hétérodoxes, quoiqu’il soit probable que sa répugnance avait pour motif le désagrément d’exposer sa tournure difforme aux regards d’un nombre considérable de personnes. Il parlait de la vie future avec un sentiment profond de piété, et même en versant des larmes. Il ne pouvait soutenir l’idée que ses restes seraient mêlés avec les ordures du cimetière comme il appelait les ossements du vulgaire : aussi, avec son goût ordinaire, fit-il choix d’un endroit charmant et agreste dans le vallon où était situé son ermitage, pour y reposer après sa mort. Dans la suite, cependant, il changea d’avis, et il finit par être enterré dans le cimetière commun de la paroisse de Manor.

L’auteur a donné au sage Elshie quelques qualités qui le faisaient passer aux yeux du vulgaire pour un homme doué d’un pouvoir surnaturel. Davie Ritchie jouissait de la même réputation, car quelques-uns des paysans pauvres et ignorants, aussi bien que tous les enfants, dans les environs, le regardaient comme ce qu’ils appelaient uncunny, non bon, méchant. Lui-même ne cherchait pas à détruire tout à fait cette idée ; elle reculait les bornes très étroites de son pouvoir, et son amour-propre s’en trouvait satisfait d’autant ; elle tournait aussi à l’avantage de