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juifs, et leur caractère ainsi violenté les avait rendus vigilants, soupçonneux et timides, aussi bien qu’opiniâtres, peu complaisants et habiles à éviter les dangers auxquels ils étaient exposés.

Après que nos voyageurs eurent parcouru rapidement plusieurs sentiers détournés, le pèlerin rompit enfin le silence.

— Ce grand chêne mort, dit-il, indique les dernières limites des domaines de Front-de-Bœuf. Depuis longtemps, nous avons quitté ceux de Malvoisin. Vous n’avez plus rien à craindre de leurs poursuites.

— Que les roues de leurs chariots soient enlevées, dit le juif, comme celles du pharaon, afin qu’ils avancent lentement ! Mais ne me quittez pas, bon pèlerin ! Songez seulement à ce féroce et sauvage templier, avec ses esclaves sarrasins, qui ne respecteraient ni territoire, ni manoir, ni domaine seigneurial.

— Notre route commune, dit le pèlerin, devrait finir ici ; car il ne convient pas aux personnes de mon caractère et du tien de voyager ensemble plus longtemps qu’il n’est nécessaire. Ensuite, quel secours pourrais-tu attendre de moi, paisible pèlerin, contre des païens armés ?

— Ô brave jeune homme ! dit le juif, tu peux me défendre, et je sais que tu en as la volonté. Tout pauvre que je suis, je te récompenserai, non pas avec de l’argent, car, pour de l’argent, j’en prends notre père Abraham à témoin ! je n’en ai pas.

— Argent et récompense ! interrompit le pèlerin, je t’ai déjà dit que je ne t’en demandais pas. Je peux te servir de guide ; il se peut même que je puisse en quelque sorte te défendre ; car défendre un juif contre un Sarrasin ne peut être considéré comme indigne d’un chrétien. C’est pourquoi, juif, je veux te voir à l’abri sous la protection d’une escorte convenable. Nous ne sommes plus maintenant très-éloignés de la ville de Sheffield, où tu pourras facilement trouver bon nombre de tes frères, parmi lesquels tu n’auras qu’à te réfugier.