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rait dire si le cri de guerre saxon ne fut pas entendu aussi avant dans les rangs de l’armée écossaise que celui du plus hardi baron normand. À la mémoire des braves qui y combattirent ! Faites-moi raison, mes hôtes !

Il but à larges coups, et continua avec une chaleur croissante :

— Oui, c’était là un jour de boucliers brisés, lorsque cent bannières se courbèrent sur les têtes des braves, que le sang coula comme de l’eau et que la mort fut préférée à la fuite. Un barde saxon l’eût appelé le festin des épées, le rassemblement des aigles autour de leur proie, le retentissement des masses d’armes sur les cuirasses, le heurtement de la bataille, plus joyeux que les hourras d’une noce ; mais nos bardes ne sont plus, dit-il ; nos faits d’armes sont engloutis dans ceux d’une autre race ; notre langue, notre nom même sont près de disparaître, et personne n’en porte le deuil qu’un vieillard solitaire ! Échanson, remplis les verres. À ceux qui sont forts dans les armes, messieurs les chevaliers, quelles que soient leur race et leur langue ! À ceux qui se comportent le mieux dans la Palestine parmi les champions de la croix !

— Il ne sied pas à celui qui porte cet emblème de répondre, dit Bois-Guilbert. Cependant à qui, si ce n’est aux champions jurés du saint sépulcre, peut-on assigner la palme parmi les chevaliers de la croix ?

— Aux chevaliers hospitaliers, dit le prieur ; j’ai un frère dans leur ordre.

— Je ne déprécie pas leur renommée, dit le templier ; néanmoins…

— Il me semble, ami Cédric, dit Wamba interrompant le moine-soldat, que, si Richard Cœur-de-Lion avait eu assez de sagesse pour prendre l’avis d’un fou, il aurait pu rester chez lui avec ses joyeux Anglais, en laissant la délivrance de Jérusalem à ces chevaliers, qui y étaient le plus intéressés.

— N’y avait-il donc, dans l’armée anglaise, dit lady Rowena, personne dont le nom soit digne d’être cité près