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exercices champêtres exigent, ou qui fournisse autant de moyens au forestier expérimenté pour exprimer son art joyeux.

— Bon prieur Aymer, dit le Saxon, sachez que je ne me soucie pas des raffinements d’outre-mer, sans le secours desquels je puis très-bien me récréer dans les bois. Je puis sonner du cor sans appeler mon coup de langue soit une réveillée, soit une mort ; je puis encourager mes chiens à la poursuite de la bête, je puis écorcher la bête et la mettre en quatre, lorsqu’elle est abattue, sans employer le nouveau jargon de curée, d’arbor, de nombles, non plus que tout le caquet du fabuleux sir Tristrem[1].

— Le français, dit le templier élevant la voix avec ce ton présomptueux et dominateur qu’il employait en toute occasion, est non seulement la langue naturelle de la chasse, mais celle de l’amour et de la guerre, la langue avec laquelle on séduit les femmes et l’on défie ses ennemis.

— Faites-moi raison d’une coupe de vin, chevalier Bois-Guilbert, dit Cédric, et versez-en une autre au prieur, tandis que je passe en revue les trente dernières années de ma vie pour vous conter une histoire. Tel que Cédric le Saxon était à trente ans, il n’avait pas besoin de tout ce clinquant du troubadour français pour se recommander aux oreilles de la beauté, et le champ de bataille de Northallerton, au jour où le saint étendard fut déployé, pour-

  1. Il n’y avait point de langage que les Normands distinguassent plus formellement de la langue ordinaire que les termes de chasse ; les objets de leur poursuite, soit oiseaux, soit quadrupèdes, changeaient de nom tous les ans, et il y avait cent termes conventionnels que l’on pouvait ignorer sans être dépourvu pour cela des marques distinctives de l’aristocratie. Le lecteur peut consulter sur ce point le livre de madame Juliana Berner ; l’origine de cette science fut attribuée à sir Tristrem, fameux par ses aventures tragiques avec la belle Isault. Comme les Normands se réservaient strictement le plaisir de la chasse, les termes de ce jargon spécial étaient tous empruntés à la langue française.