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IVANHOÉ.

— C’est ainsi, reprit Rébecca, que les hommes rejettent sur le destin les suites de leurs passions et de leurs fautes. N’importe ! je vous pardonne, Bois-Guilbert, bien que vous soyez l’auteur de ma mort prématurée. Votre esprit était élevé et capable de nobles choses ; mais c’est le jardin du paresseux : les mauvaises herbes l’ont envahi et y ont étouffé la belle fleur si vitale et si salutaire.

— Oui, répondit le templier, je suis tel que tu m’as dépeint : ignorant, indomptable et fier ; mais c’est ce qui m’a élevé parmi une foule de sots et de bigots et m’a fait atteindre le caractère éminent qui me place au-dessus d’eux. J’ai été depuis mon berceau un enfant des combats, ambitieux dans mes vues, d’une constance inflexible à les poursuivre. Tel je serai toujours : fier, inflexible et constant, et le monde en verra des preuves ! Mais me pardonnes-tu, Rébecca ?

— Aussi volontiers que jamais victime ait pardonné à son bourreau.

— Adieu donc ! dit le templier.

Et il se précipita hors de l’appartement.

Le précepteur Albert attendait impatiemment dans une chambre voisine le retour de Bois-Guilbert.

— Tu as tardé longtemps ! s’écria-t-il ; j’étais comme étendu sur un lit de fer rouge. Si le grand maître ou son espion Conrad étaient venus ici, j’aurais payé cher ma complaisance. Mais qu’as-tu, mon frère ? Ton pas chancelle, ton front est aussi sombre que la nuit. Es-tu bien portant, Bois-Guilbert ?

— Oui, répondit le templier, aussi bien que le misérable qui est condamné à mourir dans une heure. Mais non, je ne suis pas à moitié aussi bien ; car il y a des gens qui dans cet état déposent la vie comme un vêtement usé. Par le Ciel ! Malvoisin, cette fille m’a presque désarmé. Je suis presque résolu à aller trouver le grand maître, à abjurer l’ordre à sa barbe et à refuser de remplir le rôle brutal que sa tyrannie m’impose.