Page:Scott - Ivanhoé, trad. Dumas, 1874.djvu/520

Cette page a été validée par deux contributeurs.
202
IVANHOÉ.

ou par le devoir. Je suis moi-même une femme délicatement élevée, faible, craintive et épouvantée de la douleur ; cependant, quand nous entrerons dans les lices fatales, vous pour combattre et moi pour souffrir, je suis fermement convaincue que mon courage s’élèvera plus haut que le vôtre. Adieu ! je n’échangerai plus avec vous de paroles inutiles ; le temps qui reste sur cette terre à la fille de Jacob doit être autrement employé. Il faut qu’elle cherche le consolateur qui cache son visage à son peuple, mais qui ouvre toujours l’oreille aux cris de ceux qui l’implorent avec sincérité et confiance.

— Eh quoi ! faut-il donc nous séparer ainsi ! s’écria le templier après un moment de silence. Plût au ciel que nous ne nous fussions jamais rencontrés, ou que tu eusses été noble de naissance, et de religion chrétienne ! Juste ciel ! quand je te regarde et que je songe où nous devons encore nous rencontrer, je me laisse aller au désir d’être un fils de ta nation dégradée, de ne connaître que les lingots et les shekels au lieu de la lance et du bouclier, la tête courbée devant le dernier des seigneurs, et n’ayant le regard terrible que pour le débiteur qui ne pourrait me payer. Oui, Rébecca, je voudrais être juif, pour vivre près de toi et pour échapper à l’horrible part que je dois prendre à ta mort.

— Vous venez de peindre le juif, reprit Rébecca, tel que l’a fait la persécution de ceux qui vous ressemblent. Le ciel, dans sa colère, l’a chassé de son pays ; mais l’industrie lui a ouvert le seul chemin à l’opulence et au pouvoir que l’oppression n’ait pu lui fermer. Lisez l’histoire passée du peuple de Dieu, et dites-moi si ceux par qui Jéhovah a fait tant de miracles parmi les nations étaient alors un peuple d’avares et d’usuriers ? Sachez aussi, orgueilleux chevalier, que nous comptons parmi nous des noms glorieux près desquels la noblesse du Nord est comme l’humble courge comparée au cèdre ; des noms qui remontent à ces temps radieux où la présence divine faisait trembler le siége de