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IVANHOÉ.

terre, et la vertu de ses sortiléges finira avec elle. Commandeur, faites préparer la grande salle du château pour le jugement de la sorcière.

Albert de Malvoisin salua et se retira. Ce n’était pas, comme on doit bien le penser, pour exécuter les ordres du grand maître, mais pour chercher Bois-Guilbert et s’entendre avec lui sur les suites probables de cette affaire qu’Albert se retira avec tant d’empressement. Il trouva le templier dans un transport de colère causé par un nouveau refus qu’il venait d’essuyer de la part de la belle juive.

— L’insensée ! criait-il, l’ingrate ! mépriser celui qui, au milieu du sang et des flammes, a sauvé sa vie au péril de la sienne ! Par le Ciel ! Malvoisin, je suis resté là jusqu’à ce que les planchers et les poutres s’écroulassent autour de moi. J’étais devenu le but d’une centaine de flèches, qui résonnaient sur mon armure comme la grêle sur les vitres d’une croisée, et je ne me servais de mon bouclier que pour la défendre. Voilà ce que j’ai souffert pour elle ; et maintenant cette fille opiniâtre me reproche de ne pas l’avoir laissée périr ; elle me refuse non seulement la plus légère preuve de sa reconnaissance, mais encore la moindre espérance que jamais elle consentira à m’écouter. Le diable, qui a créé l’opiniâtreté pour son sexe, en a concentré toute la force dans sa seule personne !

— Je crois, répondit le précepteur, que le diable vous possède l’un et l’autre. Combien de fois vous ai-je recommandé la prudence, sinon la chasteté ? Ne vous ai-je pas dit que vous trouveriez assez de demoiselles chrétiennes, qui regarderaient comme un péché de refuser à un si brave chevalier le don d’amoureuse merci ; et, malgré mon avis, vous donnez votre affection à une juive obstinée et volontaire. Par la messe ! je crois que le vieux Lucas de Beaumanoir a bien deviné juste, quand il affirme qu’elle a jeté un charme sur vous.

— Lucas de Beaumanoir ! s’écria Bois-Guilbert d’un ton