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IVANHOÉ.

que je partageais autrefois, ou les cris et les gémissements de nouvelles victimes.

— Ulrica, reprit Cédric, avec un cœur qui, je le crains bien, regrette encore la carrière de crimes que tu as parcourue, comment oses-tu adresser la parole à un homme qui porte cette robe ? Femme malheureuse, qu’aurait pu faire pour toi saint Édouard lui-même, s’il était ici en corps et en âme ? Le royal confesseur était doué par le Ciel du pouvoir de guérir les ulcères du corps ; mais Dieu seul peut guérir la lèpre de l’âme.

— Cependant, ne te détourne pas de moi, sévère prophète de la colère, s’écria Ulrica ; mais, si tu le peux, dis-moi où aboutiront ces sentiments nouveaux et terribles qui se répandent sur ma solitude. Pourquoi les actes commis depuis si longtemps se dressent-ils devant moi comme de nouvelles et irrésistibles horreurs ? Quel est le destin qui attend au-delà du tombeau celle à qui Dieu a assigné sur la terre un sort d’une misère si épouvantable ? J’aimerais mieux retourner à Woden, Hertha et Zernebock, et à tous les dieux de nos ancêtres païens, que d’endurer les terreurs anticipées dont je suis assaillie toute la journée et qui me poursuivent jusque dans mon sommeil.

— Je ne suis pas prêtre, dit Cédric en se détournant avec dégoût de cette image misérable du crime, du malheur et du désespoir ; je ne suis pas prêtre, bien que je porte l’habit clérical.

— Prêtre ou laïque, répondit Ulrica, tu es le seul être craignant Dieu que j’aie vu depuis vingt ans. Est-ce que tu me dis que, pour moi, il n’y a plus d’espoir ?

— Je te dis de te repentir, repartit Cédric ; recherche la prière et la pénitence, et puisses-tu trouver la miséricorde céleste ! Mais je ne peux ni veux rester plus longtemps auprès de toi.

— Reste encore ! dit Ulrica d’un ton de prière ; ne me quitte pas maintenant, fils de l’ami de mon père, de peur que le démon, qui a dominé ma vie, ne me pousse à me