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père, après m’avoir poussé à parler d’une façon si fatale pour moi ?

— Te trahir ? répondit le bouffon. Non ; ce serait là le tour d’un sage ; un fou ne peut pas de moitié calculer si bien. Mais doucement, qui nous arrive ici ? dit-il en écoutant le piétinement de plusieurs chevaux, qui en ce moment se faisait entendre.

— Bon ! que nous importe ? répondit Gurth, qui venait enfin de rassembler son troupeau, et, avec le secours de Fangs, le conduisait le long d’une de ces obscures avenues que nous avons essayé de décrire.

— Non, répondit Wamba, il faut que je voie les cavaliers ; peut-être viennent-ils du royaume des fées avec un message du roi Oberon.

— Que la peste t’emporte ! s’écria le pâtre ; peux-tu parler de telles choses pendant qu’une si terrible tempête de tonnerres et d’éclairs éclate à quelques milles de nous ? Écoute comme la foudre gronde, et, pour une pluie d’été, jamais je ne vis gouttes si larges et si droites descendre des nues ; entends-tu, quoiqu’il n’y ait pas un souffle de vent, les grandes branches des chênes gémir et craquer, comme si nous étions en plein ouragan ? Tu sais jouer l’homme sage quand tu veux ; crois-moi une fois, et rentrons chez nous, avant que l’orage entre en fureur, car cette nuit sera terrible.

Wamba parut apprécier la force de ce raisonnement, et accompagna son camarade, qui se mit en route après avoir saisi un grand bâton à deux bouts qui était étendu auprès de lui sur le gazon. Ce second Eumée se hâta d’arpenter la clairière de la forêt en poussant devant lui, avec le secours de Fangs, son troupeau aux cris discordants.