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IVANHOÉ.

Elle y avait été conduite par deux de ses ravisseurs déguisés ; et, quand on l’eut jetée dans sa cellule, elle se trouva en présence d’une vieille sibylle qui grommelait un chant saxon, comme pour battre la mesure de la danse tournoyante que traçait son fuseau.

La sorcière leva la tête à l’entrée de Rébecca, et regarda la belle juive avec cette envie méchante dont la vieillesse et la laideur unies à de mauvais penchants ont coutume de gratifier la jeunesse et la beauté.

— Il faut te lever et t’en aller, vieux cricri de la maison, dit un des faux archers ; notre noble maître l’ordonne. Tu vas quitter cette chambre pour faire place à une locataire plus belle.

— Oui, grogna la sorcière, c’est ainsi que l’on récompense les services. J’ai connu le temps où l’une de mes paroles aurait jeté le meilleur homme d’armes d’entre vous autres hors de selle et hors de service, et maintenant il faut que je me lève et que je m’en aille sur l’ordre d’un valet d’écurie comme toi.

— Bonne dame Urfried, dit l’autre homme, ne reste pas ici à discuter, mais lève-toi et pars. Les ordres du maître, il faut les écouter avec une oreille prompte. Tu as eu ton jour, vieille dame ; mais, à présent, ton soleil est couché depuis longtemps. Tu es maintenant le véritable emblème d’un vieux cheval de bataille qu’on renvoie à la bruyère. Tu as bondi et galopé jadis ; mais, maintenant, tu es réduite à marcher au pas. Allons, pars et décampe.

— Que les mauvais présages vous poursuivent l’un et l’autre ! dit la vieille dame, et puissiez-vous mourir dans un chenil ! Puisse le vieux démon Zernebock[1] m’arracher membre par membre si je quitte ma propre cellule avant d’avoir filé le chanvre de ma quenouille !

— Tu en répondras à notre seigneur, alors, vieille diablesse, dit l’homme en se retirant.

  1. Le démon des anciens Saxons.