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IVANHOÉ.

a tirés des historiens contemporains, pour prouver que la fiction elle-même peut à peine atteindre à la sombre réalité des horreurs de l’époque.

La description, donnée par l’auteur de la Chronique saxonne, des cruautés exercées sous le règne du roi Étienne, par les grands barons et les seigneurs des châteaux, qui étaient tous Normands, nous offre une preuve irrésistible des excès dont ils étaient capables quand leurs passions étaient en jeu.

« Ils opprimèrent horriblement le pauvre peuple en lui faisant bâtir des châteaux ; et, quand ils furent bâtis, ils les remplirent de méchants hommes, ou plutôt de démons, qui s’emparaient à la fois des hommes et des femmes qu’ils croyaient posséder de l’argent, les jetaient en prison et leur faisaient endurer des tortures plus cruelles que jamais les martyrs n’en supportèrent ; ils étouffaient les uns dans la fange, suspendaient les autres par les pieds, par la tête ou par les pouces, allumant des brasiers au-dessous d’eux ; ils serraient la tête à des malheureux avec des cordes pleines de nœuds jusqu’à ce qu’ils eussent pénétré dans leur cerveau ; d’autres étaient jetés dans des cachots remplis de serpents, de couleuvres et de crapauds[1]. »

Mais il serait cruel d’infliger au lecteur la peine de parcourir le reste de cette description.

Comme un autre exemple de ces fruits amers de la conquête, et peut-être le plus fort qu’on puisse citer, il faut rappeler que la princesse Mathilde, quoique fille du roi d’Écosse, et plus tard reine d’Angleterre, la princesse Mathilde, nièce d’Edgar Atheling et mère de l’impératrice d’Allemagne, fille, femme et mère de monarques, fut obligée, pendant son premier séjour en Angleterre pour y faire son éducation, de prendre le voile, comme le seul moyen d’échapper aux poursuites libertines des seigneurs normands. Elle fit valoir cette excuse devant un grand concile

  1. Henry’s Hist. Édit. 1805, vol. VII, p. 346.