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IVANHOÉ.

Je ne m’étonne point que la contrainte ait l’air de vous gêner ; il vaudrait mieux pour votre honneur avoir conservé la voix et le langage d’un bandit, que de voiler vos projets sous l’affectation du langage et des manières d’un gentilhomme.

— Vous me donnez un bon conseil, madame, dit le Normand ; et, dans le langage hardi qui justifie le mieux les actions téméraires, je vous dis que vous ne quitterez ce château qu’avec le titre de femme de Maurice de Bracy. Je n’ai pas l’habitude d’être déçu dans mes entreprises, et un seigneur normand n’a pas besoin de justifier scrupuleusement sa conduite à la dame saxonne qu’il honore de l’offre de sa main. Vous êtes fière, Rowena, et vous n’en êtes que plus digne d’être ma femme. Par quel autre moyen pourriez-vous être portée aux honneurs et au premier rang, si ce n’est par mon alliance ? Sans elle, comment sortirez-vous de l’enceinte vulgaire d’une grange où les Saxons logent avec les pourceaux qui forment leurs richesses, pour prendre votre place, pour être honorée comme vous méritez de l’être et comme vous le serez parmi tout ce qu’il y a en Angleterre de distingué par la beauté ou de grand par la puissance ?

— Messire chevalier, répondit Rowena, la grange que vous méprisez a été mon abri depuis l’enfance, et, croyez-moi, quand je la quitterai, si jamais ce jour arrive, ce sera pour suivre une personne qui n’aura pas appris à mépriser l’habitation et les mœurs dans lesquelles j’ai été élevée.

— Je devine ce que vous voulez dire, madame, reprit de Bracy, bien que vous puissiez penser que votre langage soit chose trop obscure pour mon intelligence. Mais ne vous bercez pas de l’espérance que Richard Cœur-de-Lion reprenne jamais son trône, et croyez encore moins que Wilfrid d’Ivanhoé, son favori, vous conduise jamais au pied de ce trône pour y être reçue comme sa fiancée. Un autre prétendant pourrait ressentir de la jalousie en touchant